Il a soulevé la Ligue des champions et bosse aujourd’hui dans la plus grande zone commerciale d’Europe, s’il faut trouver une logique. C’est dans l’immense zone commerciale de Plan de Campagne, située entre Aix et Marseille, qu’on a retrouvé ce lundi Jérémy Mathieu, avec sa veste d’employé d’Intersport, siglée de son seul prénom, à l’identique de sa vingtaine de collègues. C’est dans ce magasin coincé entre un autre hangar de l’enseigne d’électroménager « BUT », un « Maxi Bazar » et un « Quick », que travaille depuis deux mois l’ex-défenseur du FC Barcelone et de l’équipe de France. Ce lundi matin, il était à son poste, discret, efficace et besogneux, à l’image du joueur professionnel qu’il était, occupé à floquer le maillot de l’OM d’un petit, tout surpris de tomber sur lui : « Mais alors, t’as joué avec Xavi ? », lui lance le minot de tout juste dix ans. « Et oui », lui répond en un sourire presque gêné l’ancien numéro 24 du Barça, aujourd’hui âgé de 41 ans. « Et Ronaldinho aussi ? », poursuit celui qui s’apprête à récupérer son maillot barré d’un numéro 10, surmonté du prénom « Thiam ». S’il n’a malheureusement pas joué avec Ronaldinho, Jérémy Mathieu poursuit sa discussion avec le jeune passionné de foot qui s’inquiète de ne plus le voir jouer. « Disons que je n’ai pas eu de chance. J’ai arrêté à 36 ans, sur une blessure », résume celui qui a compté 5 sélections en équipe de France et qui préfère s’adonner à son nouveau travail plus que se lancer dans un bavardage improvisé avec un journaliste. Une presse, un brin envahissante, que Sylvain, le directeur adjoint du magasin, a dû gérer ce dimanche, lorsque cette nouvelle s’est répandue à partir des réseaux sociaux. « C’était du grand n’importe quoi », raconte-t-il, agacé de ce soudain intérêt. Et si l’enseigne est ouverte le dimanche, Jérémy Mathieu ne travaillait pas ce jour-là. « En fait ça fait déjà deux mois qu’il est là, et on est très content. Quelques personnes l’avaient reconnu, évidemment, mais c’était resté hors des réseaux. Et il a suffi qu’un compte un peu important balance la nouvelle pour que ça tourne de partout. Même mon fils de 15 m’a dit, hier, : “T’as vu ça parle du gars que t’as recruté” ». Une star du vélo avant lui dans ce même magasin « Mais si on l’avait recruté pour son nom, on l’aurait fait savoir avant. J’ai reçu son CV par un intermédiaire, et ce sont d’abord ses compétences et son envie qui m’ont plu », poursuit le manager, qui insiste pour avoir un peu de tranquillité : « Il faut respecter le choix du bonhomme. S’il voulait la lumière, il présenterait des matchs à la télé. Là il est tranquille, il entraîne sa petite équipe, il est avec sa famille et les raisons qui l’ont poussé à venir travailler chez nous sont dans sa tête ». Et elles sont bien gardées, tout le monde a le droit à sa vie privé, même lorsqu’on a joué - et gagné - une finale de Ligue des champions. Sur le parking de l’Intersport où aucune voiture rutilante n’est garée, les clients rencontrés ce lundi matin n’étaient pas au courant de « la nouvelle » et préfèrent vaquer à leurs affaires : Une casquette ici pour un père et son fils, « plutôt branchés boxe que ballon », un père et ses deux filles, venus acheter des jeans, une mère qui ressort avec une paire de Crocs. Un client toutefois assure avoir « entendu ça ce matin sur la Une ». Comprendre sur TF1, ce qui nous indique qu’il a largement l’âge d’avoir vu à la télé les débuts du nouvel employé de l’Intersport à Sochaux et Toulouse, au début des années 2000. Lui était venu chercher des pièces pour réparer son VTT et n’a pas fait le détour par le rayon foot. Il imagine l’ancien footballeur pro « dans le besoin pour travailler ici. Ça ne serait pas le premier footballeur à se retrouver à la ramasse », envisage-t-il sans trop savoir. Jérémy Mathieu, lui, prépare ses diplômes d’entraîneurs. Peut-être aussi voulait-il simplement retrouver une occupation et reconnecter avec la « vraie » vie. « C’est un mec humble, discret et gentil », résumait Le manager de l’Intersport qui a déjà par le passé recruté Antoine Bizet, une star du vélo freeride de montagne, classé notamment numéro 2 à la « Red Bull Rampage », avant de connaître la dépression.