Il devait être entendu mardi par les sénateurs qui enquêtent sur Nestlé Waters et le traitement de ses eaux minérales. Il a préféré décliner, citant la « séparation des pouvoirs ». Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée depuis 2017 et sur le départ de cette fonction, pouvait-il invoquer ce principe constitutionnel pour ne pas se présenter devant les sénateurs ? Il y a un mois, alors que ce proche d’Emmanuel Macron devait cette fois-ci être entendu par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, il avait déjà évoqué ce principe de « séparation des pouvoirs » pour ne pas répondre aux députés qui enquêtaient sur la gestion du déficit public. Alexis Kohler a pourtant déjà témoigné à deux reprises devant des commissions d’enquête : en 2018 au sujet de l’affaire Benalla en tant que secrétaire général de l’Elysée et en 2020 sur les concessions autoroutières au titre de ses fonctions de directeur de cabinet d’Emmanuel Macron lorsque celui-ci était ministre de l’Economie. De plus, l’Elysée a tout de même fait parvenir aux sénateurs qui enquêtent sur les eaux minérales 74 pages de documents - un geste qui interroge sur ce principe de séparation des pouvoirs invoqué par le secrétaire général de l’Elysée. Alexandre Ouizille, sénateur PS rapporteur de la commission d’enquête, a d’ailleurs annoncé qu’en raison de l’absence d’Alexis Kohler ces documents seront rendus publics. Les commissions d’enquête des députés et des sénateurs ont bien un droit de contrôle Le secrétaire général de l’Elysée, qui n’est ni un élu, ni un membre du gouvernement, mais un collaborateur de la présidence de la république, peut-il invoquer la « séparation des pouvoirs » pour ne pas répondre aux parlementaires ? 20 Minutes fait le point avec Mathieu Carpentier, professeur à l’université de Toulouse Capitole. « Le principe de séparation des pouvoirs, notamment tel que l’applique le Conseil Constitutionnel, est relativement élastique, développe ce spécialiste du droit public. En général, il implique l’impossibilité pour les parlementaires d’adresser des injonctions au gouvernement ou au Président de la République. Cependant, cela n’entraîne pas l’idée d’une absence de contrôle des commissions d’enquête, du Parlement de manière générale, sur la Présidence de la République. » En effet, ces commissions « sont censées mettre en œuvre deux prérogatives constitutionnelles majeures du Parlement, qui sont la priorité de contrôle du gouvernement, mais également de l’évaluation des politiques publiques. » C’est bien dans ce cadre qu’entrent ces commissions. Une exception pour le président, pas ses collaborateurs Concernant la personne du président la république, il existe toutefois un obstacle constitutionnel à une audition par une commission d’enquête. Ce principe « n’est pas celui de la séparation des pouvoirs, c’est le principe, en règle, de l’irresponsabilité présidentielle. Selon l’article 67 alinéa 1 de la Constitution, le Président de la République est politiquement irresponsable, il est d’ailleurs pénalement irresponsable, mais cette irresponsabilité ne s’étend pas aux collaborateurs du Président de la République » Concrètement, cela signifie que qu'« on n’a pas une espèce d’irresponsabilité fonctionnelle partagée par l’ensemble de ceux qui concourent à l’exercice de la fonction présidentielle. Donc, rien ne fait obstacle à ce qu’une commission d’enquête auditionne monsieur Kohler. » En ne se présentant pas à ces commissions d’enquête, Alexis Kohler s’expose en plus à des poursuites, une ordonnance de 1958 ordonnant à toute personne convoquée de se présenter. Eric Coquerel, député LFI et président de la commission d’enquête sur le dérapage des finances publiques, a d’ailleurs annoncé le 4 mars qu’il saisissait le procureur de la république. Au procureur ensuite d’estimer s’il est motivé d’engager des poursuites contre le secrétaire général de l’Elysée. Quant aux sénateurs, ils n’ont pas encore fait savoir s’ils allaient aussi transmettre le cas du secrétaire général de l’Elysée au procureur.