On a pu entrer dans la future prison de haute sécurité pour narcos à Vendin-le-Vieil (et en sortir)
Pas de téléphone, pas de « masses métalliques », les seuls objets que l’on peut faire entrer dans le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, doivent être listés et approuvés par l’administration pénitentiaire. Et ça n’empêche quand même pas de passer au scanner. Ce jeudi, le ministère de la Justice a organisé une visite presse de cet établissement, retenu pour devenir l’une des deux prisons de haute sécurité où seront enfermés les 200 prisonniers les plus dangereux liés au crime organisé. Inaugurée en 2015, elle fait encore bonne figure la prison de Vendin. Les peintures sont moches mais en bon état, les bâtiments sont propres et les serrures bien huilées. Il faut dire que ce n’est pas tout le monde qui entre dans cette maison centrale à petit effectif. Sur les 162 places disponibles, une centaine seulement est occupée par des détenus disons, particuliers, dont les noms parlent à tous : Rédoine Faïd, Salah Abdeslam, Christophe Khider, Jean-Michel Jourdain… Pas étonnant, donc, que Gérald Darmanin ait décidé de faire de Vendin le premier quartier de haute sécurité pour lutter contre la criminalité organisée. « Chaque quartier est comme une maison centrale à part entière » Pas de photo des murs d’enceinte, des postes de sécurité, des miradors et encore moins du filet anti-hélicoptères qui recouvre l’ensemble de l’établissement. « Il ne faut pas que l’on puisse se faire une idée de l’agencement interne de la prison », glisse une fonctionnaire de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Lille. Les sas s’enchaînent, entre portes blindées et barreaux épais, sous l’œil d’innombrables caméras, pour finalement arriver dans l’un des quatre quartiers que compte la prison. « Chaque quartier est comme une maison centrale à part entière pouvant fonctionner de manière autonome », explique Marc Ginguené, le chef d’établissement. Il nous ouvre une cellule vide de l’unité de vie de ce quartier, déjà aménagée pour recevoir un des 200 « narcos » dont parlait le garde des Sceaux. Des cellules individuelles avec un lit, des rangements, une douche, un toilette et un lavabo. Du classique, exception faite du caillebotis ajouté aux barreaux de la fenêtre empêchant les « yoyos », du passe-menottes et de l’arrêtoir placés sur la porte. « Il y aura aussi moins de détenus par unité de vie, 10 seulement contre 17 aujourd’hui », précise le directeur de la prison. Isoler les détenus de leurs réseaux On passe encore une série de portes pour arriver dans l’une des douze cours de promenade de l’établissement. Du béton, un peu d’herbe, des urinoirs, une barre de traction et des caméras, plein de caméras. « Comme c’est un des rares endroits où les détenus peuvent communiquer entre eux, il n’y a aucun angle mort et ils sont constamment surveillés », assure un surveillant. De ce côté là, pas besoin de plus d'aménagements pour les super bandits, la seule différence étant qu’ils ne sortiront que par groupes de cinq. Des caillebotis sont installés sur les fenêtres des cellules pour empêcher les «yoyos». - M.Libert / 20 Minutes Parce que tout l’enjeu contre les futurs pensionnaires est de les isoler de leurs réseaux de criminalité organisée et de les empêcher de nouer des liens entre détenus. Cela passe aussi par la restriction des communications téléphoniques à deux fois deux heures par semaine. « Des appels écoutés en direct par des surveillants formés à détecter les comportements suspects ou les allusions », affirme Cédric Logelin, porte-parole du ministère de la Justice. Les unités de vie ne compteront plus que dix détenus, contre 17 au maximum actuellement. - M.Libert / 20 Minutes Terminées les unités de vie familiale dans lesquelles les détenus pouvaient retrouver femme et enfants pendant une journée dans un cadre moins carcéral. En revanche, ils auront toujours le droit à des parloirs, mais sans contact : « Nous sommes en train de réaménager les parloirs existants en installant des hygiaphones pour qu’il n’y ait plus aucune interaction physique entre les détenus et les visiteurs », poursuit Marc Ginguené. Des parloirs qui ne seront pas écoutés systématiquement, « sauf réquisition d’un magistrat », reconnaît Cédric Logelin, qui n’y voit toutefois pas une faille dans l’ambition de couper les détenus de leur monde criminel. Les détenus ne pourront sortir en promenade que par groupes de cinq, sous la surveillance de plusieurs caméras. - M.Libert / 20 Minutes On enchaîne sur un nouveau dédale de couloirs, de coursives et le passage de quelques centaines de portes, pour revenir à notre point de départ, aussi désorientés qu’après avoir passé 24 heures à jouer dans un casino. Mais nous, au moins, on peut sortir. Alors que les futurs détenus, eux, n’auront même plus le droit aux extractions pour être entendus par des magistrats, « la règle étant désormais les auditions en visio », insiste le porte-parole du ministère. Jurisprudence Amra oblige. Un régime sec qui doit être opérationnel dès le mois de juillet, lorsque les cent premiers élus entreront à Vendin. Entre-temps, les travaux seront achevés et les personnels auront reçu une « formation spéciale à la criminalité organisée ou, pour certains, au renseignement pénitentiaire », se félicite Sophie Bleuet, patronne de la DISP de Lille.