Un mystérieux meurtre résolu onze ans après grâce à un article de presse. Trois semaines après la publication dans le quotidien Var Matin d’une enquête sur l’affaire Diégo Bodin - un ado poignardé à mort à Six-Fours-les-Plages en février 2014 –, un homme a été interpellé et est passé aux aveux. « C’est la première fois que cela m’arrive. C’est un peu étrange de devenir acteur de l’enquête même si, évidemment, je n’ai rien fait pour cela », sourit l’auteur du reportage, Eric Marmottans. Le jour du crime, il était de permanence. Il a été l’un des premiers à écrire sur cette affaire qui a eu une forte résonance locale, et n’a eu de cesse de suivre ses développements. Jusqu’à son dénouement, donc. « J’ai découvert que mon dernier article avait été un accélérateur de l’enquête lorsque j’ai reçu le communiqué du procureur », relativise-t-il. Pas de traces d’effraction Pendant longtemps, ce meurtre est resté une énigme. Le 14 février 2014, en fin d’après-midi, le corps sans vie de cet adolescent de 16 ans est découvert par sa sœur aînée, gisant dans une mare de sang, dans la maison familiale. L’autopsie révèle un crime d’une violence inouïe : cet apprenti boucher a été poignardé à trente-deux reprises, essentiellement au niveau du thorax et de l’abdomen. Mais dans la maison, aucune trace d’effraction n’est constatée. Rien ne semble avoir été volé, les animaux de la famille n’ont pas été violentés. Seule l’arme du crime est introuvable. Et le portable de la victime sera retrouvé au bout de plusieurs heures dans un petit bassin au fond du jardin. Diégo Bodin, petit dernier d’une fratrie de quatre enfants, joueur de rugby émérite, vivait seul dans la maison depuis quelques semaines : son père, contremaître sur la base navale de Toulon, est alors hospitalisé, sa mère est décédée quelques années auparavant, et les trois aînés ont quitté la maison mais viennent régulièrement s’assurer que le petit dernier ne manque de rien. Tous les témoignages font état d’un ado bien dans sa peau, entouré. S’il était connu de la justice pour des délits mineurs – détention de stupéfiants –, il n’est pas décrit comme un jeune homme en difficulté. La marche blanche en son honneur réunit plusieurs milliers de personnes dans les rues de cette station balnéaire. Un témoignage crucial Dans la maison, la PJ multiplie les constatations : de l’ADN est bien relevé sur les lieux, mais aucun ne s’avère à l’époque déterminant. Les enquêteurs ont été « confrontés à la difficulté de recueillir des témoignages sur cette situation, les conduisant à travailler de nombreuses pistes », précise le procureur de la République de Toulon, Samuel Finielz, dans son communiqué diffusé ce mercredi. Si les années passent, le dossier n’est jamais délaissé. Dans son reportage publié le 17 mars, le journaliste précise que les enquêteurs hésitent entre un homicide commis par un membre de l’entourage du jeune homme ou un crime de « rôdeur ». Selon le magistrat, la parution de cet article pousse un témoin - « non identifié dans le cadre de l’enquête initiale » - à prendre contact avec les services de police. Son témoignage, précise le magistrat, va s’avérer « déterminant ». D’autant que l’homme qu’il désigne n’est pas un inconnu des enquêteurs : il s’agit d’un ami de la victime, âgé de 20 ans au moment des faits. Il avait déjà été ciblé dans le cadre de l’enquête initiale car son ADN a été découvert non loin du corps. Mais à l’époque, aucun mobile n’est mis en lumière, et la présence de son ADN peut s’expliquer par le fait qu’il était un ami de Diégo Bodin et qu’à ce titre, il se rendait régulièrement chez lui. Un « délire » sous l’emprise de stupéfiants Pendant trois semaines, les enquêteurs de la division de la criminalité organisée et spécialisée de Toulon – le nouveau nom de la PJ – vont s’attacher à étayer ce témoignage. L’homme en question a un « profil de toxicomane », précise une source proche du dossier. Son casier judiciaire porte plusieurs traces de condamnation pour « usage de stupéfiants » ou « conduite de stupéfiants », mais aucune pour des violences ou des faits criminels. D’autres témoins viennent étayer les soupçons que peu à peu nourrissent les enquêteurs autour de cet homme. Placé en garde à vue mardi, l’homme a rapidement reconnu les faits, expliquant avoir agi dans un moment de « délire » alors qu’il était sous l’emprise de stupéfiants. Selon nos informations, il n’a pas d’antécédents psychiatriques avérés. L’information judiciaire se poursuit.