L’itinérance gagne encore du terrain à Québec

Le troisième dénombrement de personnes itinérantes se déroulera simultanément dans 16 régions du Québec mardi soir. (Jocelyn Riendeau/Le Soleil) Le CIUSSS de la Capitale-Nationale évalue que l’itinérance progresse d’environ 8 à 10 % par année dans la région. «Un phénomène très préoccupant», aux dires de Frédéric Keck, directeur adjoint, Partenariats et Itinérance au CIUSSS de la Capitale-Nationale. D’autant plus qu’«il n’y a plus de tranches de la population qui est épargnée par l’itinérance», note-t-il. Familles, personnes âgées, individus aux prises avec des problèmes de consommation, de santé mentale ou tout simplement en situation d’instabilité résidentielle: la rue n’héberge plus que des «itinérants chroniques». Avec un nouveau dénombrement des personnes en situation d’itinérance prévu mardi soir, le CIUSSS espère obtenir un éclairage plus précis de la diversité des profils de sans-abris. Entre Saint-Roch, Saint-Sauveur, le Vieux-Port, le Vieux-Québec, Limoilou et Beauport — là où la concentration d’itinérants est la plus forte — quelque 120 bénévoles sillonneront les rues à l’occasion d’un nouvel exercice national de recensement. Des données seront aussi colligées auprès d’organismes communautaires. Ce troisième dénombrement organisé depuis 2018 se déroulera simultanément dans 16 régions du Québec. «Partout» Même si sa présence sera concentrée dans les quartiers centraux, le CIUSSS de la Capitale-Nationale insiste que la population de personnes sans domicile fixe est «partout» dans la grande région. «C’est un phénomène qui évolue très rapidement de façon assez préoccupante.» — Frédéric Keck, directeur adjoint, Partenariats et Itinérance au CIUSSS de la Capitale-Nationale Et la tendance ne semble pas en voie d’être freinée. Au contraire, puisque depuis la pandémie, l’itinérance n’a fait que gagner du terrain, le CIUSSS s’attend à recenser encore plus d’individus touchés. «On n’a pas d’indicateur à l’effet que ça va s’amoindrir dans ce dénombrement. Sinon, on se serait attendu à des échos des organismes comme quoi ça s’améliore sur le terrain et ce n’est pas le signal qu’on reçoit. Au contraire, on nous parle de nouveaux visages chaque semaine», rapporte M. Keck. Frédéric Keck, directeur adjoint, Partenariats et Itinérance au CIUSSS de la Capitale-Nationale (Jocelyn Riendeau/Le Soleil) Outre la pression sur les centres-villes, celle sur les organismes est aussi bien réelle. «Il y a plus de personnes que jamais qui se présentent dans leurs services. Les organismes de quartier ont besoin d’un coup de main et une tape dans le dos», rapporte-t-il. La crise du logement n’est pas étrangère à cette croissance, selon lui. «À 0,8 %, le taux d’inoccupation de la ville de Québec joue contre nous. Sans logements, on peut difficilement espérer des solutions pérennes», insiste M. Keck. Reste que la courbe en hausse de l’itinérance n’est pas propre à Québec. Elle s’observe aussi «partout» dans la province. C’est d’ailleurs ce qu’avait démontré le précédent recensement provincial tenu en 2022, qui avait conclu à un bond de 44 % au Québec en cinq ans et à une «régionalisation» de l’itinérance. Le rapport, commandé par le ministère de la Santé et des Services sociaux chiffrait alors à 10 000 le nombre d’itinérants et à un accroissement des besoins marqué par la pandémie. «Réaliste», le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant disait plus tôt en mars s’attendre à une autre augmentation dans le dénombrement de 2025. Il y a trois ans, dans la Capitale-Nationale, on comptait près d’un millier de personnes à la rue, une augmentation de 36 % par rapport à 2018. Puis, l’an dernier, une «énumération» à moindre échelle faisait état d’une nouvelle progression de 16% de l’itinérance hébergée dans la région. «On prend cette situation très au sérieux pour la suite. Déjà, on sait que des actions vont devoir être mises en place», s’engage Frédéric Keck. Pour «inverser la tendance», le réseau entend sortir de la logique de «réactivité» pour prévenir le phénomène en amont, notamment en détectant l’instabilité résidentielle. Si le financement destiné à la lutte contre l’itinérance au CIUSSS de la Capitale-Nationale a évolué «de façon rapide» en passant de 2,3 millions à 19,4 millions en 10 ans, il en faudra plus. «Je ne suis pas en train de dire qu’on a assez d’argent. Il y a encore de nombreux projets qu’on n’est pas en mesure de soutenir avec l’argent disponible», affirme M. Keck. «Est-ce qu’on se rejoint sur le souhait? Absolument. On souhaite tous une diminution de l’itinérance.» Les résultats de ce troisième dénombrement sont attendus au cours de la prochaine année, quelque part en 2026.