Cliquer pour envoyer un lien par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Pour les célébrations pascales, le vice-président américain J.D. Vance était au Vatican où il a pu rencontrer le pape François quelques heures avant sa mort. Plus qu’une simple visite, ce passage de J.D. Vance, récemment converti au catholicisme, s’inscrit dans les guerres culturelles qui traversent les États-Unis et gagnent aussi le Vatican. En 1960, lorsqu’il s’est présenté à la présidence des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, un catholique d’origine irlandaise dans un pays à majorité protestante, a prononcé un discours à Houston afin de rassurer les électeurs en affirmant qu’il ne recevrait pas ses ordres du pape, mais qu’il gouvernerait selon la Constitution américaine. Plus de soixante ans plus tard, J.D. Vance revendique au contraire sa proximité avec le Vatican comme une marque de distinction politique, au cœur d’un repositionnement réactionnaire qui fait du catholicisme traditionaliste un levier identitaire. Il n’est donc en rien surprenant que J.D. Vance ait choisi de célébrer les fêtes de Pâques au Vatican. Toutefois, derrière cette visite symbolique se cachent de profondes divergences entre le pape François, décédé le 21 avril, et le vice-président américain, notamment en matière d’ouverture, d’immigration et d’accueil des réfugiés. C’est sans doute ce qui rend encore plus marquante la brève rencontre de quelques minutes entre le vice-président américain et le pape François, survenue quelques heures seulement avant la mort du souverain pontife. Ces images pourraient être utilisées par J.D. Vance pour symboliser une sorte de réconciliation entre la Maison-Blanche et le Saint-Siège. Pourtant, les éloges rendus au pape François après sa mort illustrent l’ampleur du fossé qui séparait ses valeurs de celles de J.D. Vance et du président américain Donald Trump. Les différences de position, principalement en ce qui concerne l’immigration et, dans le cas de l’administration de Donald Trump, les expulsions, ainsi que plusieurs enjeux internationaux comme l’aide humanitaire ou la guerre à Gaza, sont béantes. J.D. Vance, converti depuis seulement 2019 au catholicisme, défend une vision très traditionnaliste, identitaire et radicale de cette religion et cherche à l’instrumentaliser afin d’en faire un rempart face à ce qu’il présente comme des dérives du wokisme. Cette vision du catholicisme entre en opposition frontale avec celle du pape François, beaucoup plus compassionnelle et surtout plus ouverte. L’ouverture du pape François se manifestait également sur des sujets de société, notamment à travers sa position en faveur de la bénédiction des couples homosexuels ou encore son ouverture à une plus grande place des femmes dans l’Église. Le catholicisme réactionnaire, promu par le mouvement «Make America Great Again» (MAGA) aux États-Unis, ne cachait pas son opposition au pape François. On peut donc se demander si le décès du pape François ne pourrait pas permettre à un mouvement «Make Vatican Great Again» de se développer à l’approche du prochain conclave. Il faut toutefois rappeler que l’élection du pape est un processus tout à fait singulier puisque seuls les cardinaux de moins de 80 ans peuvent voter, et le futur pape doit obtenir les deux tiers des voix, ce qui rend difficile l’émergence d’un candidat trop marqué idéologiquement. Parmi les figures de proue de cette mouvance, le cardinal américain Leo Burke, le cardinal allemand Gerhard Müller et le cardinal guinéen Robert Sarah ont des profils que l’on peut considérer comme à l’opposé idéologiquement du pape François. Ils pourraient séduire un éventuel mouvement «Make Vatican Great Again» dans le cadre des guerres culturelles au Vatican, même s’ils sont rarement mentionnés comme des papabili plausibles par les vaticanistes. Cependant, ces guerres culturelles, qu’elles se déroulent aux États-Unis, au Vatican ou ailleurs, ne visent pas seulement à gagner les prochaines élections, mais plutôt de transformer la société en profondeur. Ainsi, l’objectif d’un éventuel courant «Make Vatican Great Again» ne serait pas tant d’imposer un pape idéologiquement marqué que, à long terme, d’effacer l’action du pape François, qui se voulait plus moderne et ouverte, afin de revenir à une interprétation traditionaliste, voire réactionnaire, du catholicisme. La visite pascale de J.D. Vance au Vatican n’était donc pas qu’un geste de foi, mais un signal politique adressé à une frange conservatrice en quête de réaffirmation identitaire. Elle prend aujourd’hui une dimension encore plus forte, alors qu’elle restera comme l’une des dernières images du pape François vivant. Même au cœur du Vatican endeuillé, les lignes de fracture des guerres culturelles continuent de se dessiner. Le prochain conclave pourrait bien devenir un nouveau front dans la bataille idéologique qui oppose ouverture et repli, tradition et réforme.