Un enfant doit pouvoir avoir trois parents, tranche la Cour supérieure

M e Marc-André Landry, dont le bureau représentait la première famille, croit qu’il y a fort à parier que la cause se dirigera vers la Cour suprême. Québec devra changer son Code civil pour permettre à un enfant d’avoir plus de deux parents, vient de trancher la Cour supérieure. Dans un jugement de 100 pages diffusé vendredi, le juge Andres C. Garin accorde douze mois au gouvernement du Québec pour qu’il prépare et adopte « un régime de filiation qui ne comporte pas la limite de deux liens de filiation » qui, à ses yeux, est « inconstitutionnelle ». Le cabinet de Simon Jolin-Barrette n’a pas indiqué vendredi si le gouvernement fera appel. « Nous prendrons le temps d’analyser le jugement et n’émettrons aucun commentaire pour le moment », a indiqué Élizabeth Gosselin, directrice adjointe. Trois familles aux parcours de vie tout à fait distincts et sans aucun lien entre elles sont en cause dans le jugement. Il y a d’abord un trio amoureux, formé d’un couple hétérosexuel déjà parent. La femme du couple tombe amoureuse d’une autre femme et un trio amoureux se constitue alors. La dernière venue souhaitant être enceinte, l’homme la féconde et tous forment une famille. Dans le second cas, un couple dont la femme avait subi une chimiothérapie devient d’abord parent grâce à l’apport d’une mère porteuse. Une amie est ensuite mise à contribution pour la naissance d’un autre enfant. Dans le troisième cas, un couple de lesbiennes a eu recours à un ami gai pour avoir un enfant. Dans les trois cas, le juge Garin conclut que la limite de deux liens de filiation viole la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’elle discrimine les gens selon leur statut familial. Le juge Garin renvoie le gouvernement du Québec à ses devoirs. « Quelles seraient les règles applicables pour reconnaître la filiation de plus de deux parents et comment s’appliqueraient-elles ? Toute personne qui s’estime partie à un projet parental devrait-elle, sans plus, être reconnue comme parent ? Faudrait-il plutôt exiger une possession constante d’état ? L’intérêt de l’enfant devrait-il intervenir comme critère additionnel ? » Le juge accorde 12 mois au législateur pour qu’il y réfléchisse à tout cela et pour qu’il modifie sa loi. Me Marc-André Landry, dont le bureau représentait la première famille, croit qu’il y a fort à parier que la cause se dirigera vers la Cour suprême. Pour Me Landry, un enfant a le droit « d’avoir un enfant avec chacun des adultes qui sont ses parents ». Il rappelle que par la loi, le fait d’être reconnu officiellement comme l’enfant de quelqu’un vient avec une série de bénéfices, notamment l’accès à un héritage ou à des assurances. « Un enfant a le droit d’avoir un lien juridique avec chacun des adultes qui agit comme son parent », estime-t-il. Comme l’explique le juge dans sa décision, le Code civil du Québec « n’interdit pas formellement plus de deux liens de filiation », mais « aucune disposition du Code n’y donne explicitement son ouverture et son économie générale y fait plutôt clairement obstacle ». « C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle arrive la jurisprudence, écrit le juge. En effet, à plusieurs reprises, les tribunaux mentionnent spontanément, quoique dans des contextes différents, qu’un enfant ne peut avoir que deux parents en droit québécois », est-il écrit. Dans l’immédiat, la situation des trois familles – ou de celles qui se trouvent dans le même cas – ne change donc pas. Pour que le jugement ait une incidence concrète, le Code civil devra d’abord être modifié. Mais encore une fois, il est possible que la Cour d’appel, voire la Cour suprême soit appelée à confirmer ou à renverser la décision de la Cour supérieure.