«Je crois qu’il n’y a pas une société qui doit se priver de 50 % de la créativité, des talents et de l’intelligence des femmes, ni de l’intelligence et la créativité de toutes les générations. C’est ce qui fait la force d’une société», a-t-elle insisté, lors d’un entretien de près d’une heure devant un amphithéâtre bien rempli. L’ex-politicienne a reconnu qu’il n’est pas forcément facile de faire sa place, tant pour les jeunes que pour les femmes. Elle a toutefois rappelé que tous les partis politiques ont des ailes jeunesse qui donnent la parole aux jeunes et leur permet d’amener des idées nouvelles. «Vous avez une responsabilité à cet égard d’être audacieux et de nous bousculer un peu. C’est comme ça qu’une société progresse, évolue et grandit.» — Pauline Marois Mme Marois a d’ailleurs rappelé que l’implication de jeunes comme Greta Thunberg en Suède, ou pendant le printemps érable au Québec, a permis de faire bouger les choses. «Les carrés rouges, ça a bousculé les partis», a-t-elle souligné. C’est d’ailleurs en 2012, après le printemps érable, que Mme Marois est arrivée au pouvoir, devenant par le fait même la première – et seule – femme à devenir première ministre du Québec. Combattre le cynisme par l’intégrité L’ancienne première ministre a convenu qu’un certain cynisme s’est installé chez une partie de la population, dont les jeunes. À cet égard, elle croit que la meilleure réponse à avoir est celle de l’intégrité. «En politique, on peut parfois se tromper, on ne peut parfois pas tout dire, mais on ne doit jamais dire le contraire de la vérité. Et ça, je pense qu’on a un petit bout de chemin à faire dans les formations politiques.» — Pauline Marois L’absence de grands projets de société, comme il y en a eu dans le passé avec la nationalisation de l’électricité, la naissance du mouvement souverainiste ou la création de l’assurance-maladie universelle, pourrait aussi expliquer une partie du désintérêt envers la politique, selon Mme Marois. «Ce n’est pas propre au Québec, on le constate partout dans le monde – chez nos voisins américains, à puissance dix – on ne sent pas une perspective globale qui permettrait d’intégrer les actions que l’on peut mener, les gestes que l’on peut poser et les décisions que l’on peut prendre», affirme-t-elle. De nombreux étudiants ont consacré leur pause du midi à la conférence de Pauline Marois. (Matthieu Max-Gessler/Le Nouvelliste) La lutte contre les changements climatiques serait selon Mme Marois un bon projet de société. «Peut-être que tout ce qu’on vit maintenant, qui nous bouscule, va nous amener à nous resolidariser et à identifier un certain nombre de grands projets prioritaires qui vont nous permettre d’avoir une action cohérente avec une perspective et pas seulement une courte vue, ou même des dérives comme ce que vivent nos voisins américains.» L’ancienne première ministre espère d’ailleurs que ces dérives vont «amener les jeunes et moins jeunes à réfléchir à la responsabilité qu’ils ont dans le choix de ceux et celles qui les dirigent». «Toujours être vigilantes et aller au créneau» Alors que la campagne électorale fédérale tire à sa fin, force est de constater qu’elle marque un recul quant à la parité. Au Québec, on compte 37,9 % de candidatures féminines, tous partis confondus. Lors des élections de 2021, ce pourcentage était de 41 % et pour celles de 2019, 43,3 %. Qu’est-ce qui peut expliquer ce recul? «Ça prend une volonté politique de haut niveau tout le temps et que les femmes qui font partie des associations politiques et de défense des droits des femmes, la Fédération des femmes, doivent toujours être vigilantes et aller au créneau pour rappeler aux chefs politiques que c’est leur responsabilité d’aller chercher des femmes», croit Mme Marois. Celle-ci convient cependant que les enjeux mis de l’avant par les partis en ce moment rejoignent peut-être moins les femmes. «Il y a aussi eu quelques messages récemment. Marwah Rizqy a dit qu’elle trouvait ça difficile et qu’elle a fait un choix, celui de la famille. Ça a sûrement amené des gens à réfléchir et à remettre en question peut-être certains de leurs engagements. Mais il faut continuer de militer et dire aux femmes: c’est possible de faire les deux. Quand vous faites des enfants, vous ne les faites pas seules, vous avez des conjoints qui ont une responsabilité», ajoute-t-elle. Interrogée sur l’adhésion d’un nombre inquiétant d’adolescents à des idées liées à la masculinité toxique, Mme Marois a invité les femmes à continuer à se battre pour conserver leurs acquis. «Si on est capable de se mobiliser, on va trouver une solution. Il faut que les femmes continuent de réfléchir, de s’engager et de participer à toutes les formes de réflexion qui permettent de contrer les phénomènes comme ceux-là qui sont, à mon point de vue, pernicieux pour la société dans laquelle on vit», a-t-elle affirmé.