"Le besoin d’être une meilleure personne": elles viennent d'être baptisées à l'âge adulte à Pâques, ces toulonnaises témoignent

Un entrelacs de signes. Ce samedi à Rome, la communauté catholique rendra un dernier hommage au pape François, lui qui a eu l’élégance de s’en aller le lundi de Pâques. Cette même Pâques qui est porteuse d’un record en France: celui du nombre d’adultes baptisés. Cette année, 10.384 sont devenus des enfants de Dieu (soit +45% par rapport à 2024), ainsi que plus de 7.400 adolescents de 11 à 17 ans (+33%), selon un rapport de la Conférence des évêques (CEF) publié le 10 avril. Ces chiffres sont les plus élevés jamais enregistrés depuis la création de cette enquête par la CEF il y a plus de vingt ans (en 2002). Ce phénomène grandissant, volontiers nommé "sursaut de la foi", réjouit autant l’Église qu’il étonne l’opinion. Alors même que le nombre de pratiquants n’a jamais été aussi bas - 44% des Français croyaient en Dieu en 2023 contre 66% en 1947 - et que la transmission de la foi au sein d’une même famille est plus faible chez les catholiques (67%) que les musulmans (91%) et les juifs (84%). Ces baptêmes ont eu lieu lors de la vigile pascale dédiée à la résurrection du Christ, soit la célébration eucharistique la plus importante de l’année liturgique. Depuis les premiers siècles de la chrétienté, les baptêmes d’adultes sont célébrés cette nuit-là. Pour comprendre la motivatuion de ces adultes, nous avons rencontré trois paroissiennes de l’église Saint-Joseph à Toulon, dans le quartier du Pont-du-Las. Maeva, Magali et Jamila ont reçu le sacrement lors de la même soirée et font partie des 175 adultes baptisés dans le Var lors de la vigile pascale. Maeva: "Le besoin d’être une meilleure personne" Maeva a vécu un baptême "merveilleux" qui a touché sa propre famille. Photo o. b.. Tous les dimanches, Maeva passait devant le parvis de l’église Saint-Joseph, au Pont-du-Las. "Je regardais toutes ces familles heureuses, ça me donnait envie". Jusqu’au jour où le curé, qui avait repéré son intérêt, l’a interpellée: "Quand est-ce qu’on vous voit à la paroisse?". C’était il y a trois ans à peine. Cette jeune maman d’une petite Anaëlle franchit la porte d’un futur paradis supposé. Avec une idée en tête. "Je voulais vraiment être baptisée car le baptême lave les péchés. J’avais un énorme besoin de devenir une meilleure personne. Pour moi et aussi pour ma fille, pour qu’elle ait un bon modèle, responsable et digne." Maeva évoque une vie passée "un peu chaotique et très loin de la foi", une déscolarisation précoce, de mauvaises fréquentations, les foyers pour adultes. Inscrite dans une quête de spiritualité, Maeva a été sensibilisée aux mouvements new age et adventiste. Sans être convaincue. Au sein de la petite communauté de l’Emmanuel qui fait vivre cette paroisse de Toulon, elle se rend à la messe et au catéchisme. Avec grande assiduité. "En un an et demi, je n’ai raté qu’un seul cours", annonce-t-elle avec fierté, notant au passage l’arrivée chaque semaine de nouvelles personnes. L’an dernier, elle a fait son entrée en catéchuménat et poursuivi son apprentissage. Jusqu’au jeûne - au pain et à l’eau -, la semaine précédant le baptême. Maeva nous montre une vidéo du grand jour. On la voit, habillée du noir des ténèbres, entrer dans un bassin rempli d’eau. Le curé Thierry de Marsac immerge sa tête à trois reprises, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Comme l’a été Jésus dans les eaux du Jourdain, baptisé par son cousin Jean-Baptiste. "C’était très émouvant et très joyeux, sourit-elle, soulagée. J’ai perdu ma chienne de 16 ans trois semaines avant, du coup j’étais partagée entre cette grande perte et une joie immense mais j’ai été galvanisée par les paroissiens. Ils ont manifesté une joie si profonde de nous voir entrer dans leur famille. C’était merveilleux! Ma propre famille a été profondément touchée. Mon frère, qui n’est pas du tout religieux, m’a envoyé un psaume. J’ai halluciné!" "Un changement radical de vie" Pour elle, ce baptême n’est pas qu’une simple étape, mais "un changement radical de vie " dont les prochaines étapes seront sa Confirmation et le mariage avec son compagnon. "Je ressens une soif immense de grandir spirituellement, d’aller plus souvent à la messe, de prier, d’entretenir ma relation avec le Seigneur, mais aussi d’être en communauté. " Maeva a fait baptiser sa fille l’an dernier. "Pour moi, ça a du sens, mais si elle ne veut pas suivre la même voie, ce n’est pas grave, ce sera son choix ", assure-t-elle, apaisée. Maeva a 43 ans et exerce la profession d’aide ménagère. Magali, des ténèbres à la lumière Magali nous accueille chez elle, vêtue du blanc de la semaine sainte. Elle nous montre elle aussi des vidéos de son baptême, les larmes aux yeux. "Enfin! J’ai tellement attendu ce moment, c’était merveilleux!", avoue cette ancienne commerçante dans le prêt-à-porter, devenue auxiliaire de vie. "Recevoir le Seigneur a été une énorme émotion. Enfin, je suis une enfant de Dieu!". À 58 ans, Magali vit une véritable résurrection. Elle qui a touché le fond en 2017. Marquée par "des épreuves de la vie" qu’elle ne souhaite pas divulguer davantage, elle a plongé dans la dépression. Avec des envies d’en finir "à plusieurs reprises". "Je ne mangeais plus, je me laissais mourir et un jour, je suis tombée dans la rue." Elle est alors prise en charge par un hôpital psychiatrique pendant un mois. "Sans aucun médicament, précise-t-elle. Ils ont compris ma détresse intérieure, ils m’ont sauvée". Un chemin parsemé de signes Magali courrait encore après une spiritualité qui lui échappait depuis l’enfance. Au sein d’un cercle familial pas toujours tendre, elle était la seule de la fratrie de six enfants à ne pas être baptisée. "On me disait: “le mois prochain" et ça n’arrivait jamais, à tel point que je me demandais si j’avais été adoptée ». Magali évoque un souvenir gravé un soir de Noël. Elle n’avait que six ans. "J’étais sur le balcon, je sentais un grand vide en moi et j’ai invoqué le ciel. À ce moment-là, une étoile filante est passée." Un signe fort. Parmi tant d’autres qu’elle a su voir tout au long de sa vie pour tracer son chemin vers la foi et l’évidence. Comme le jour de la rencontre avec Claudine, sa voisine de palier, qui deviendra sa marraine de baptême. "Il me la mise sur mon chemin". Magali fait entrer la Bible chez elle, le doute aussi. Jusqu’à la révélation de l’existence du Très-Haut un soir de songe: "Il est venu me chercher et à partir de là, plus rien ne pouvait m’arrêter", raconte-t-elle, d’une voix posée. Animatrice bénévole en Ehpad Lors des deux dernières années, elle parfait son enseignement catholique et vient à pousser la porte de l’Ehpad La Maison des oliviers de Jeanne, à Toulon, fondé par les Petites Sœurs des pauvres. Elle rencontre par hasard une petite mamie qui lui tient les mains puis l’étreint. "C’était la dernière sœur du couvent encore en vie", révèle avec émotion celle qui est devenue animatrice bénévole d’ateliers créatifs auprès des résidents. Depuis, elle s’y rend cinq fois par semaine pour "poursuivre le travail de Jeanne Jugan (la fondatrice de la congrégation)". Déterminée à entretenir toujours plus sa foi "jusqu’à [mon] dernier souffle", la Toulonnaise alimente la chaîne Le chemin tracé sur YouTube et TikTok. Cet été, elle fera une retraite à l’abbaye de l’île de Lérins et d’autres journées au carmel des Routes, à Toulon, "pour entrer davantage en communion". Magali se dit changée, moins sujette au jugement et la critique envers son prochain. "J’apprends à être en dessous des autres ", résume-t-elle. À s’habiller autrement aussi. "De par mon métier, j’ai toujours fait attention à mon apparence mais je ne m’en soucie plus du tout. Il nous aime tel que nous sommes. " Le lendemain de notre entretien, Magali s’envolait pour l’Afrique du Sud afin de rendre visite à son fils Nicolas, formateur d’anglais à Pretoria. Elle avait prévu de se rendre à l’église de son quartier, consacrée à Marie. Là-bas l’attendent sûrement d’autres signes de sa foi ardente. Enfin vivante. Jamila a retrouvé la médaille de Marie Jamila a elle aussi 58 ans. Cette responsable achats d’une société de sirops était la troisième personne à être baptisée la semaine dernière à l’église Saint-Joseph. Issue d’une famille franco-marocaine athée, son cheminement vers la foi n’était pas du tout à son agenda. Mais lors des quatre, cinq dernières années, se sentant angoissée, elle a ressenti un besoin de spiritualité. Et su voir les signes qui se sont présentés à elle. "Un collègue de boulot me parlait de son ange gardien, j’ai vu une émission à la télé sur l’ange Gabriel et puis je suis née un 11 février, le jour de la fête de Notre-Dame de Lourdes. Je sentais des choses...", énumère-t-elle. Une autre pièce majeure du puzzle va lui tomber dans les mains. Première messe sous Covid Le 15 août 2020, elle se rend à Notre-Dame de Grâces, à Cotignac pour assister à la messe donnée par Monseigneur Rey, l’évêque de Fréjus-Toulon (à l’époque). "J’étais fatiguée, mais j’y suis allée quand même. Il faisait très, très chaud et en montant au sanctuaire, j’ai fait un malaise. J’ai passé la première messe de ma vie allongée au sol", en sourit Jamila qui avait tout simplement la Covid-19. Ce jour-là, on lui dit de recevoir la bénédiction les bras croisés. Touchant du doigt ses lacunes religieuses, elle se rapproche d’un petit groupe d’étude à la formation Alpha. "Je suis devenue croyante sans passer par le baptême et ça me suffisait car je me trouvais déjà moins angoissée. " L’évidence a toutefois jailli il y a deux ans lors d’une balade à vélo sur une petite route allant du Beausset à Sainte-Anne d’Évenos. En chemin, elle égare la médaille à la gloire de Marie donnée par sa grand-mère centenaire. Le dimanche suivant, elle retourne sur les lieux. "Je ne l’ai pas trouvée mais sur le retour, une petite voix me disait: “cherche encore, on ne sait jamais". La médaille était là, sur le bord de la route. J’ai perçu ça comme un message du Seigneur qui me disait: "tu vas y aller au baptême, maintenant?" ». Alors, elle y est allée, avec conviction. Samedi dernier, comme Maeva et Magali, Jamila a été touchée par " la ferveur et le soutien" des paroissiens. " C’est fou car à la base je suis cartésienne et pas du tout réceptive à tout ça... ", s’interroge-t-elle encore. Mais les réponses sont désormais en elle.