”J’ai failli me faire violer plein de fois mais, dès que j’ai ouvert la bouche, ça les a calmés” : Doully, humoriste et ex-junkie, débarque à Bruxelles

L'autodérision à la belge, une inspiration et une force pour Doully marquée par la vie entre sa maladie de Charcot-Marie-Tooth (une neuropathie dégénérative qui touche les muscles et les nerfs) et son passé de junkie entre ses 18 –" le plus dark" – et 22 ans. "Même avant qu'il m'arrive tout ça, je crois que je me foutais déjà de ma gueule. Et aujourd'hui, avec ma maladie, j'ai du mal à me tenir debout et j'ai choisi de faire du stand up (sourire) ! Si je pouvais passer une partie de ma vie allongée, j'adorerais !" Comment arrivez-vous à rigoler de vos malheurs et démons ? "Il faut arriver à trouver un côté dérision de ta vie même quand t'es en train de le vivre. En tout cas, se dire : là, ce n'est pas drôle mais, dans pas longtemps, j'en rigolerai. Il y a des trucs où c'est plus difficile que d'autres. Le plus difficile à affronter dans la vie, avec lequel faire semblant, rigoler ou trouver de la dérision, c'est l'amour. Pour moi, c'est un des trucs qui bousille le plus. J'ai vu beaucoup de gens souffrir en amour. J'ai même un oncle qui s'était suicidé par amour pour une nana. Je trouve que c'est ce qu'il y a de plus douloureux au final et avec lequel t'arrives le moins à rigoler. Par exemple, la phrase pour faire un peu plaisir à quelqu'un qui souffre : 'un de perdu, dix de retrouvés' ou inversement. Non. T'as envie de le défoncer le mec !" Donc pas la drogue ni le handicap ni même la mort de certaines personnes autour de soi ? "La drogue, c'est ton combat avec toi-même. Le handicap, c'est un peu pareil. Le décès, la personne elle est partie, à toi donc de faire ton deuil. Mais l'amour, il y a quelqu'un qui continue à vivre heureux sans toi… C'est horrible ! Parce qu'il y a vraiment la moitié du game que tu ne maîtrises pas. C'est très très violent !" Quant à votre voix, si particulière, elle vous a par contre sauvé la vie… "Elle a toujours été là cette voix de mec bourré. Donc, soit on trouve ça hyper sexy soit ça peut être un handicap si tu veux être crédible. Quand on me drague, on croit parfois que je suis à 12 grammes ! Mais, au moins, c'est vrai, on ne me fait vraiment pas chier. Même dans le game, je n'ai jamais eu de problème du genre #Metoo. Je n'ai jamais été témoin d'une scène d'un collègue se comporter mal avec une humoriste. Je n'ai moi-même pas été victime. Au point de me dire que, limite, je ne sais pas comment je dois le prendre ! Est-ce que je dois le prendre mal (sourire) ? Mais c'est vrai que je ne me fais pas emmerder du tout. Jamais. Je me suis déjà fait suivre plein de fois. J'ai failli me faire violer plein de fois. Mais, à chaque fois que j'ai ouvert la bouche et ça les a calmés (sourire) !" Vous riez de tout, même de votre handicap. Vous imposez-vous toutefois des limites à ce sujet ? "J'ai l'impression d'avoir une sorte de légitimité. Je me souviens d'avoir fait un soir une blague sur les épileptiques. Elle est un peu trash mais bon, ça reste quand même assez mignon. Un épileptique m'avait écrit après le spectacle et m'avait dit : 'merci pour ta vanne sur les épileptiques parce qu'on m'a diagnostiqué épileptique hier et ça m'a fait un bien fou de rire là-dessus. Souvent, les handicapés se sentent exclus si tu ne fais pas de blague du tout sur eux. Les gens me considèrent comme trash mais bon, franchement, avec les vannes que tu entends dans la rue, c'est parfois pire. Tout le monde est un peu trash dans l'intimité. Et si ça fait rire les principaux intéressés, c'est que c'est bon. Ils sentent que ce n'est pas une vraie haine." Surtout dans un monde où on ne peut plus rien dire… "J'étais avec Benoit Delépine la semaine dernière et il me disait justement que c'est devenu compliqué avec Trump aujourd'hui… Parce qu'ils vont tellement loin dans la connerie qu'ils sont en train de nous dépasser. À un moment donné, on ne pourra plus surenchérir !" Avant d'arriver sur scène, vous avez enchaîné des petits boulots insolites dont vous parlez sur scène. De gogo danseuse à madame pipi en passant par doubleuse de films pornos ! "Tout est vrai (sourire) ! J'ai doublé du porno… mais, avec ma voix, je faisais le mec hein bien évidemment ! Je suis partie de chez moi à 14 ans, donc j'ai dû commencer à bosser à 15, 16 ans. C'est comme si j'avais commencé à travailler 10 ans avant la vie normale des gens. J'ai donc 10 ans d'avance mais tous ces jobs-là, je les ai faits chacun genre pendant un an ou deux." Vous avez même vécu dans la rue… Avec le recul, comment avez-vous réussi à sortir de vos addictions à la drogue ? "Je crois que c'est ce métier qui m'a donné de l'espoir. Il faut trouver un petit rêve auquel s'accrocher. Pas forcément un truc waouh. C'est toujours très angoissant, voire terrifiant d'entendre des gens dire qu'ils n'ont pas de rêve ni de projets… Moi, je crois qu'il faut s'accrocher à un truc que t'as envie de faire et avoir envie de le faire à jeun. Parce que si tu ne le fais pas à jeun, tu ne vas plus te souvenir de rien (sourire) !" Vous qui avez justement connu cette période junkie, comment voyez-vous l'issue dans l'affaire Pierre Palmade ? "Ça, c'est terrible. C'est la descente aux enfers… C'est vraiment dur des deux côtés. En plus, s'il veut remonter sur scène là, c'est chaud. Il faut un gros mea culpa. Cela a été trop loin et c'est quelqu'un qui n'a pas eu ce déclic de 'j'arrête tout'. En même temps, ça me fait de la peine pour lui car c'était un gentil gars. C'est très triste. Moi, j'ai pris tout très jeune mais j'ai aussi tout arrêté très jeune. Et au-delà de ça, j'en avais marre. Je ne voulais plus être cette personne. Cela s'est fait par étapes. À un moment donné, tu kiffes. Après, arrive l'étape où à chaque fois que tu prends quelque chose, le lendemain tu te dis : plus jamais. Et l'étape d'après, c'est 'plus jamais'. Et à la fin, j'en pouvais plus de dire 'plus jamais' et alors tu stoppes tout. Par exemple, sur la cocaïne. Je n'ai jamais été accro à ça mais j'en prenais dans les soirées. J'avais dit : 'j'arrête 2 ans' et, si ça me plaît, je continuerai à en prendre de temps en temps. Mais là, j'en avais vraiment ras le bol. J'en ai repris 2 ans après et je trouvais ça nul à chier. Je me suis définitivement dit que c'était de la merde. J'ai perdu énormément de temps avec ça… C'est souvent des gens timides, qui n'ont pas confiance en eux ou qui ressentent trop d'émotions et qui ne savent pas les gérer qui tombent là-dedans. Il est donc dur d'entendre certaines personnes dire que les drogués sont des gens feignants et des moins que rien. Alors que ce sont juste des gens non adaptés à la situation dans laquelle ils sont au moment où ils le sont. Sans compter les mauvaises fréquentations. Il y a vraiment une question de personnalité, de contexte et de milieu. C'est un peu facile de juger comme ça. Quand tu n'as jamais été confronté à ça, tu ne sais pas comment tu aurais réagi à leur place." D'où ce sketch sur le "maître tunnelier" ? "Oui, car c'est très grave, c'est un enfer. Moi, vraiment, les gens drogués me saoulent littéralement maintenant. Je ne peux plus les sentir ! C'est très fatigant de parler avec ces gens-là. C'est usant. Je fume du CBD depuis 2 ou 3 ans. Mais si on me fait tirer sur un pétard, il ne faut surtout pas que je sois en société. Sinon je ne suis plus là du tout, je quitte la pièce. Je reste physiquement présente mais mon esprit n'est plus là (sourire) !" Sobre aujourd'hui, vous rêvez même de cinéma. "Oui et j'adore chanter aussi ! Ce n'est pas encore terrible, il faut que je prenne des cours avec ma voix mais j'allais beaucoup au karaoké avant. Il y avait plein d'Asiatiques qui venaient faire des vidéos de moi. J'ai cru que c'est parce que je ne chantais pas trop mal mais je crois que c'était vraiment à cause de ma voix. Les Asiatiques, elles ont des voix très aiguës. Du coup, elles étaient assez impressionnées par cette tessiture vocale. Pas par la technique de chant juste par la voix (sourire) !" Suffit d'utiliser l'intelligence artificielle pour combler cette technique, non ? "Les IA ont du mal à m'imiter ! Comme les imitateurs d'ailleurs, ils n'arrivent pas à choper ma voix. J'ai une voix inautotunable. Elle est très dure à autotuner. Parce que je crois qu'il y a plusieurs notes dans la même voix. Je suis déjà en autotune (sourire) !"