L’idéal du premier pays “postnational”, défini par Justin Trudeau il y a dix ans, a vécu. Face aux visées agressives de Donald Trump, les chefs de file politiques du Canada remettent à l’honneur l’identité nationale, note la presse canadienne. Une question qui hante le pays depuis toujours. “Il n’y a pas d’identité fondamentale, pas de courant dominant au Canada. Il y a des valeurs partagées [qui] font de nous le premier État postnational.” Ces célèbres mots de Justin Trudeau au New York Times, en 2015, incarnent une ère désormais révolue. “L’éclipse identitaire aura duré presque dix ans. Car les chefs des deux grands partis […] ont chacun à leur façon annoncé le grand retour d’une identité fondamentale”, constate un chroniqueur du Devoir. Le conservateur Pierre Poilievre souhaite remettre à l’honneur les héros et symboles canadiens. Le Premier ministre libéral Mark Carney, son rival pour les élections du 28 avril, a nommé dès son arrivée, en mars, un ministre de la Culture et de l’Identité canadiennes (il existait auparavant un ministre du Patrimoine). Le Canada est “construit sur le roc de trois peuples : indigène, français et britannique”, a-t-il déclaré – sans prononcer le mot “multiculturalisme”, note le Devoir. Joignant les actes à la parole, “Carney a de suite pris l’avion vers les trois pôles identitaires désignés : Paris, Londres et Iqaluit”. Depuis des décennies, les écrivains du Canada anglophone tentent tant bien que mal de définir “l’évanescente identité canadienne”, souligne le journal québécois. La question “hante le pays presque depuis sa fondation, en 1867”, abonde le Financial Post. “Le Canada est le seul pays du monde sachant vivre sans identité”, a remarqué le célèbre intellectuel Marshall McLuhan, cité par le titre de Toronto. Selon le grand poète Irving Layton : L’ancien Premier ministre Pierre Elliott Trudeau a revendiqué cette absence d’unité culturelle : rejetant le nationalisme “rétrograde”, “il a officialisé le rôle du Canada comme hôtel du monde en 1971, en annonçant que le multiculturalisme serait désormais la politique de l’État”, ajoute le supplément du National Post. Ainsi, Justin Trudeau “a parachevé le projet de son père”. Mais ça, c’était avant. “Mark Carney semble bien avoir tourné la page du Canada postnational – qui, il faut le dire, n’a jamais existé que dans l’imagination de notre ex-Premier ministre”, persifle un chroniqueur du Globe and Mail. Avec Pierre Poilievre, écrit-il, les principaux candidats aux élections du 28 avril “sont tous deux des post-postnationalistes”. Courrier international Trahi par Trump, le Canada doit se trouver de nouveaux amis Doug Ford, le “Capitaine Canada” qui tient têt