A l’instar de la Suisse, la France ouvre la voie à des traitements ponctuels par drone sur ses terres agricoles. A deux ou trois mètres du sol, l’appareil peut parcourir méthodiquement une parcelle difficile d’accès pour l’Homme, après l’enregistrement des coordonnées GPS, et y épandre efficacement un traitement. Une loi, qui vient d’être publiée au Journal officiel, autorise ainsi la pulvérisation par drone de produits phytosanitaires peu dangereux, homologués en agriculture biologique, seulement sur des parcelles agricoles (bananeraies, vignes…) présentant une pente d’au moins 20 %. Et ces recours aux engins volants ne pourront être autorisés que « temporairement », via un arrêté conjoint des ministres chargés de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Santé. « Je pense qu’il faut l’essayer » Les vignobles d’Alsace et des Côtes-Du-Rhône, qui pour certains ont déjà expérimenté depuis 2021 des drones à titre dérogatoire, ont suivi cette évolution législative de près. Claudine Rominger gère avec son mari un domaine de 12 ha en biodynamie au sud de Colmar, en Alsace. « Je pense qu’il faut l’essayer, réagit-elle, bien au fait de cette actualité. Les viticulteurs alsaciens qui l’ont testé m’ont donné de bons retours ». La moitié de son domaine est escarpée, avec des pentes jusqu’à 33 %. « On arrive à le mécaniser mais c’est compliqué et parfois dangereux, quand il fait humide par exemple. Il faut bien calculer que la pompe ne soit pas trop pleine pour ne pas avoir trop de poids et risquer un tassement. » Une solution à la pénibilité du travail ? Sur le domaine en Côtes-Du-Rhône de Régis Gonnet, installé à Glun en Ardèche, une partie de ses parcelles en coteaux ne sont pas mécanisables. Ses salariés doivent traiter avec des pulvérisateurs sur le dos, pour faire face au mildiou ou à l’oïdium. « Ce sont les tâches les plus pénibles en viticulture, estime-t-il. Ils doivent porter des équipements de protections individuels (EPI), avec du poids sur le dos et parfois sous de fortes chaleurs, entre mai et juillet ». Sur les Côtes-Du-Rhône septentrionales (Saint-Joseph, Cornas) sur lesquelles les trois quarts des vignes se trouvent sur des coteaux, on utilisait des hélicoptères pour traiter jusqu’au début des années 2000, mais c’est aujourd’hui interdit. Pour Régis Gonnet, le drone vient alors apporter une solution technique plus pointue, car plus efficace dans l’application des traitements, tout en dégageant les salariés de tâches très pénibles. Enfilant sa casquette d’élu à la chambre d’agriculture d’Ardèche sous l’étiquette de la Confédération Paysanne (majoritaire), il relève qu’en dépit d’une réticence du syndicat sur la technologie au détriment de l’agriculture, il considère dans ce cas-là, qu’il s’agit d' « une modernisation qui a du sens pour améliorer les conditions de travail, sous réserve que cela reste un usage bien restreint aux coteaux ». La question du coût Reste que le coût des traitements par drone pourrait en limiter l’usage, même s’il peut être envisagé en complément d’autres techniques. « Ce qui se profile c’est qu’au début, quand la pousse de la vigne démarre et que le traitement se fait assez rapidement, on pourra le faire à la main, estime Régis Gonnet. Et le drone pourra être utile entre mai et juin, quand la vigne est en pleine végétation ». « Cela peut être une alternative, commente de son côté la viticultrice alsacienne Claudine Rominger. Mais il faut que cela permette de réagir rapidement. S’il faut avoir réservé auprès d’une entreprise trois semaines avant, ce ne sera pas possible. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut se former ; les viticulteurs ne sont pas plus bêtes que les autres ! » Parmi les avantages non négligeables du drone, la viticultrice mentionne le bruit réduit par rapport au tracteur, qui incommode parfois les riverains. « Il faudra tout de même faire un travail pédagogique auprès des habitants car comme toutes les nouveautés, cela va surprendre », avance Régis Gonnet.