La vidéo commence. « Narration : Kevin Owens », peut-on lire à l’écran géant. « Chez nous, on est né avec un bâton dans les mains », entend-on au Centre Bell. Terry Steen ne regardait pas l’écran géant. Après une phrase ou deux, Kevin Owens (Kevin Steen, de son vrai nom), se tourne vers son père, assis en deuxième rangée près du filet du Canadien. « Sais-tu qui parle ? », lui demande le lutteur. — Ben non, répond Terry. — C’est moi ! « J’ai réécouté la vidéo après à TVA Sports et là, je l’ai reconnu ! Mais sur place, avec le son dans le Centre Bell, je ne le reconnaissais pas. De toute façon, je n’aurais jamais imaginé que ç’aurait pu être lui. C’est dur à croire que c’est mon gars qui parle dans la vidéo ! » C’est donc dans le chaos de la présentation du match 3, vendredi, que Terry Steen a appris que son fils allait être la première voix qui allait galvaniser le Centre Bell pendant les séries. Un ancien lutteur des organisations indépendantes montréalaises, Twiggy (James McGee), travaille pour le CH et a agi comme entremetteur. L’idée de Jon Trzcienski, vice-président marketing et communications de marque, s’est donc rendue à Kevin Owens. « Ils m’ont donné les lignes. Je les ai enregistrées avec la WWE, pour être sûr que le son soit bon, détaille Owens, rencontré dans les gradins quelques minutes avant le match no 4. Je leur ai envoyé ça quelques semaines en avance, quand on ne savait pas s’ils allaient participer aux séries. Je croisais les doigts. » Mais voilà, comme on s’en souvient, cette qualification a été plus compliquée que prévu. Après sa série de six victoires, le Tricolore a perdu ses 79e et 80e matchs de la saison à Ottawa et à Toronto, pendant que Columbus refusait de perdre. Owens a assisté au 81e match, contre Chicago, dans l’espoir que le CH confirme sa place. « Ça avait bien commencé et ils ont perdu. J’avais tellement peur qu’ils ne se rendent pas, parce que j’avais gardé la surprise pour mon père, je voulais qu’il le voie en même temps que tout le monde. » Un amour retrouvé pour le hockey Kevin Owens n’a pas toujours été le plus grand fan de hockey. « Avant, je le suivais beaucoup. Mais à 13, 14 ans, j’ai arrêté de jouer au hockey, je m’entraînais à la lutte, je me suis mis à 100 % dans la lutte. » Son père, en revanche, est né en 1960. Il est de cette génération qui a grandi avec les fabuleuses équipes des années 1970. « J’ai commencé à l’écouter à la première Coupe Stanley de Ken Dryden en 1971. Dobeš devrait faire comme Dryden et arriver comme un cheveu sur la soupe ! », lance Terry Steen. Comme tout fan de sa génération, il a mal digéré le départ de Guy Lafleur. « Dans les années 1980, j’avais des billets pour 10 matchs par saison. J’étais au Forum à sa soirée de retraite en 1984, la soirée qui n’aurait jamais dû avoir lieu ! », peste-t-il. Ces dernières années, son fils a acheté une paire d’abonnements de saison. Par la nature de son travail, Kevin Owens ne peut pas assister régulièrement aux matchs. « Il m’a gâté avec les billets. Il savait que moi et son frère, on aime bien ça. Avec tout ça, il a recommencé à suivre ça un peu plus. » Le Canadien a finalement triomphé dans le premier match au Centre Bell, avant de perdre le deuxième. Dans les deux cas, toutefois, le niveau de décibels en début de match n’a pas fait défaut. « C’était de voir la réaction quand j’ai dit « chez nous », note le lutteur. Pas parce que les gens savaient que c’était moi. Mais de voir la réaction à la vidéo, et avec tout ce qui se passe entre le Canada et les États-Unis… De voir que c’est rassembleur, de voir la réaction de la foule, j’ai trouvé ça vraiment spécial. « Le Canadien, au Québec, c’est immense et les séries, c’est encore plus spécial. De me faire demander d’en faire une petite partie, c’est trippant. » Reste maintenant à voir si le Canadien survivra au match no 5, pour permettre à Kevin Owens et à son père de revivre le moment. Dans le cas d’une improbable victoire du Tricolore en sept matchs, la vidéo pourra de nouveau servir par la suite. Le « Washington, vous êtes chez nous » a été enregistré avec tous les noms de villes possibles.