« Les conservateurs peuvent-ils gagner cette élection ? Oui, mais il faudrait que les chiffres finaux soient historiquement erronés », a analysé l’astrophysicien Philippe J. Fournier et fondateur de l’agrégateur de sondages 338Canada, à la veille du scrutin de lundi. L’histoire n’a pas été écrite, puisque les libéraux ont obtenu la victoire que la quasi-totalité des sondeurs pressentait. « Ce qu’on voit, à cette heure-ci [23 h 15], c’est que la performance du Parti libéral a été bien prédite », note Claire Durand, spécialiste de l’analyse des sondages et professeure au département de sociologie de l’Université de Montréal. Dans le détail, cependant, les intentions de vote et les résultats du scrutin au moment où nous écrivions ces lignes ne concordaient pas tout à fait. Mme Durand explique que les votes du Parti conservateur du Canada (PCC) ont probablement été sous-estimés, particulièrement en Ontario, de même que ceux du Bloc québécois au Québec. Les dix plus récents sondages fédéraux attribuaient au Parti libéral du Canada (PLC) une moyenne de 43 % au chapitre du vote populaire, contre 39 % pour le PCC, selon 338Canada, dont le nom réfère au nombre de circonscriptions qui prévalaient en 2021. Au moment de publier, le PLC récoltait 43 % des suffrages dans l’ensemble du pays, exactement comme prévu, alors que le PCC était le choix de 42 % des électeurs. « C’est probablement l’Ontario qui influence la moyenne générale et qu’il faudra analyser », souligne la chercheuse Durand. Le Bloc sous-estimé Au Québec seulement, la dizaine de sondages recensés par 338Canada donnaient une solide avance aux libéraux avec de 37 à 42 % des intentions de vote, un intervalle qui devrait être respecté. Le Bloc devait occuper la deuxième place, avec une récolte de 20 à 31 %, selon les sondeurs. La performance du parti indépendantiste, à 23 h 30, faisait écho aux prévisions les plus optimistes (30,5 %). Les attentes pour le vote conservateur oscillaient de 20 à 29 % ; les résultats préliminaires aux urnes se trouvaient au beau milieu de ces pourcentages. Les sondages les plus pessimistes pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) pointaient 6 %, et les plus favorables, 11 %. Tard hier, le résultat à l’échelle du pays oscillait autour de 5 %, bien en deçà des attentes. « Le NPD est toujours un peu surestimé, parce que les partisans des partis plus petits, moins forts, ont tendance à moins sortir voter », commente Claire Durand. Avant le scrutin, il y avait d’« historique » la grande stabilité des intentions de vote au fil de la campagne, soulignait Jean-Marc Léger, président de la firme de sondages Léger 360, au micro du 98,5 FM à trois jours du vote. Les graphiques que la chercheuse Claire Durand a publiés sur son blogue sur l’évolution de l’appui aux partis politiques depuis le 23 mars, début de la campagne électorale, au 25 avril, sont quasiment rectilignes. Les oscillations les plus plates de sa carrière ? Elle n’est pas prête à l’affirmer, pointant par exemple la stabilité des prévisions de 2000, alors que l’Alliance canadienne de Stockwell Day était restée bien campée dans sa deuxième place derrière le Parti libéral du Canada. Si Mme Durand hésite à dire que la qualité des sondages a considérablement augmenté depuis le début des années 2000, l’experte juge que c’est la diversité des modes qui permet de cerner les tendances avec davantage d’acuité. Sondages téléphoniques automatisés, web ou mixtes : chaque méthode teinte le portrait des répondants, souligne la chercheuse. Et nous donne à apprendre d’élection en élection.