Taxer les colis en provenance de Chine : "Dans les faits, c'est juste du flan", estime la Fédération française du prêt-à-porter féminin

Taxer les colis en provenance de Chine : "Dans les faits, c'est juste du flan", estime la Fédération française du prêt-à-porter féminin Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, réagissait à la proposition du gouvernement de faire payer par les plateformes "des frais de gestion" de "quelques euros" pour les petits colis en provenance de Chine. La France veut davantage taxer les petits colis en provenance de Chine. Un plan d'action en plusieurs étapes a été dévoilé mardi 29 avril par le gouvernement depuis la zone des douanes de l'aéroport de Roissy. Pourquoi maintenant ? Parce que les colis envoyés par les plateformes de vente en ligne SheIn et autres Temu seront trois fois plus taxés aux États-Unis à partir du vendredi 2 mai, une décision de Donald Trump qui va entraîner un afflux encore plus important de ces colis en Europe. C'est en tout cas la crainte des autorités françaises. La France a donc décidé de taper du poing sur la table et propose de taxer les produits vendus par les grandes plateformes dès le premier euro, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui au sein de l'Union européenne et par ailleurs, de renforcer les contrôles aux douanes. Des annonces insuffisantes selon Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, qui regroupe 130 marques de IKKS à Figaret en passant pas Ba&sh et Sézane. franceinfo : La méthode proposée par le gouvernement est-elle la bonne ? Yann Rivoallan : Sur le papier, ça a l'air d'être une bonne méthode. Dans les faits, c'est juste du flan. Pour être très clair, aux États-Unis, il y a en effet une taxe de 100 dollars qui va être mise sur chacun de ces colis, sachant qu'un colis en général fait autour de 50 dollars, ça va stopper définitivement toutes ces plateformes. De l'autre côté, on s'excuse de mettre une petite taxe dont on ne sait pas encore le montant pour payer le salaire des douaniers parce qu'ils vont avoir un peu plus de travail. Quel est le problème ? C'est que tout simplement on devrait stopper ces colis définitivement. On devrait les taxer a minima, à la TVA, à la taxe sur les produits importés qu'on doit avoir sur les textiles et qu’aucune de ces taxes n'existe. "Aux États-Unis, il y a désormais cette taxe de 100 dollars qui va être mise en place, qui va tout stopper." Yann Rivoallan sur franceinfo Désormais il y a toutes ces plateformes qui font deux fois plus de publicité d'ores et déjà sur des plateformes comme Google. Sauf qu'il y a 27 pays au sein de l'Union européenne et qu'il faut qu'ils se mettent d'accord au sein des 27 pour pouvoir changer les taxes aux frontières. Donc ça ne peut pas se passer du jour au lendemain. Déjà, vous avez gagné deux ans, a priori ces taxes vont être mises en place à partir de 2028 et non 2030. 2028 c’est-à-dire, si je reviens en arrière et si je pense à SheIn, il y a maintenant trois ans, c'est une société qui faisait à peine 3 milliards de dollars versus 40 maintenant. C'est une société qui faisait à peine quelques millions en France versus 3 milliards maintenant. Donc on peut patienter pendant trois ans, on peut patienter des dizaines de milliers d'emplois encore qui vont être détruits. On peut patienter pour attendre que tous nos centres-villes soient définitivement vides. On peut patienter comme ça toutes ces années. On a cette capacité de pouvoir, ne serait-ce qu'avec la loi anti fast-fashion qui avait été votée il y a un an à l'Assemblée nationale, d'aller vite et fort dans toutes ces mesures. Il n'y a pas une seule fois où on rappelle que cette loi doit être votée. Il y a notre ministre de l'écologie, du ministère de la Transition écologique, qui n'est pas là et qui ne rappelle pas à quel point l'affichage environnemental est une bonne mesure aussi pour pouvoir stopper ces colis. "Donc ce ne sont pas des mesures, ce sont des mesurettes qui ne sont que de la communication pour faire croire qu'on va arrêter cette plateforme vis-à-vis des États-Unis, alors que dans les faits, il n'y a rien. Définitivement rien." Yann Rivoallan sur franceinfo Les membres du gouvernement qui se sont déplacés en nombre ce matin à Roissy ont dit qu'ils allaient mettre en place des frais de gestion à partir de l'année prochaine pour qu'il y ait déjà quelque chose. Et sur le papier, ça devrait être 2 euros par colis et 0,50 euro par produit. Donc je prends par exemple un colis SheIn à peu près de 50 euros. Je vais avoir cinq colis dedans, cinq produits dedans. Bah je vais grosso modo payer 4,50 euros de plus. Donc mon colis va passer de 50 euros à 54,50 euros. Donc ce n'est pas dissuasif ? Ça ne change strictement rien. Toute façon, ces produits à la fois exploitent les ouvriers qui sont en Chine, qui sont à peine payés 0,18 euro par produits fabriqués, ils doivent travailler près de 100 heures par semaine. Donc on a de l'exploitation d'un côté, il y a des TVA qui ne sont pas payés, il y a SheIn qui a fait 3 milliards d'euros en France l'année dernière. Je demanderais justement clairement que SheIn déclare son chiffre d'affaires et je suis sûr qu'ils déclarent beaucoup moins que ce qu'ils font réellement. Donc il y a aussi une fraude fiscale qui est caractérisée. Il y a une capacité à pouvoir polluer à l'infini. 80% de ces produits sont en polyester et ils finissent sur la plage du Ghana ou dans d'autres sites. Donc tout explose, le chômage explose et pour cela, on va au maximum mettre une petite mesure où on mettra potentiellement 4 euros de taxes par colis, c'est totalement insuffisant. "L'État a le devoir de nous protéger, de protéger nos emplois, de protéger la planète, de protéger notre pouvoir d'achat. Et clairement, avec ce type de mesures, il n'accomplit pas son devoir." Yann Rivoallan sur franceinfo Sachant que la SheIn représente déjà plus de 90% des 12 millions de petits paquets quotidiens qui arrivent en Europe. Qu'est-ce que vous dites en parallèle aux consommateurs qui achètent sur ces plateformes ? Un Français sur cinq a acheté des produits de mode sur SheIn en 2024, d'après l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode. Je pense que justement, c'est l'angle qu'il ne faut jamais prendre. Est-ce qu'on reproche à un alcoolique de boire ? Est-ce qu'on reproche à un fumeur de prendre trop de cigarettes ? Non. Ces plateformes déclenchent des addictions, ces plateformes avec leurs prix ridicules, avec leur capacité de faire des surinvestissements publicitaires, avec leur capacité de nous faire passer des heures sur leurs plateformes, nous mettent dans des bulles cognitives qui nous empêchent de réfléchir quand on achète. Donc il n'y a pas de responsabilité de la part du consommateur à votre avis ? Il n'y a surtout pas à en avoir, c'est du devoir de l'État de nous protéger et non pas de chacun des consommateurs d'avoir de son côté des bons gestes. "Pourquoi est-ce que le consommateur devrait être responsable quand l'État ne l'est pas ?" Yann Rivoallan sur franceinfo Qu'attendez-vous de l'État ? Reprenons les mesures qu'il peut y avoir dans la loi. Un, interdiction de la publicité. Si on stoppe la publicité, on stoppe justement le carburant de ces plateformes. Et donc ils ne pourront plus avoir de croissance. Pour quel motif ? Parce qu'on décrète que ce sont des produits qui font de l'ultra fast-fashion. Et comme c'est de l'ultra fast-fashion, on décide qu'on va interdire la publicité. Le deuxième point, c'est qu'il y a un système de bonus-malus qui est basé sur l'affichage environnemental, malus que devront payer ces plateformes parce que leurs produits sont de faible qualité et qui iront justement dans un bonus pour pouvoir aider les marques françaises à recycler les produits. Avez-vous une idée du nombre d'emplois détruits par ces plateformes ? Je peux vous dire qu'il y a déjà ces trois dernières semaines, c'est 600 emplois qui ont été détruits à la fois chez C&A et chez Kaporal, qui a dû fermer définitivement le rideau. Donc on a plusieurs milliers d'emplois en effet qui ont été détruits ces deux dernières années et on voit clairement ça continue.