Le Cines mise sur le calcul intensif pour une IA plus efficace

Seul centre de calcul haute-performance situé en régions, le Cines de Montpellier s’appuie sur un supercalculateur de rang mondial. Face aux enjeux autour de l’IA, il met ses capacités au service de projets émergents en santé et d’autres secteurs clés. En présentant IA Montpellier Méditerranée en février 2025, Michael Delafosse, président-maire de la Métropole héraultaise, a insisté sur le rôle crucial que jouera le Cines (Centre informatique national de l’enseignement supérieur, 60 salariés, budget : 15 M€) au sein de la nouvelle association fédérant l’écosystème local de l’intelligence artificielle. Seul centre situé hors d’Île-de-France parmi les trois sites français dédiés au calcul haute-performance, il s’appuie sur une longue expérience sur ces sujets, engrangée depuis sa création en 1980, mais dispose aussi d’un supercalculateur de rang mondial, "AdAstra". Fruit de 30 millions d’euros d’investissement, AdAstra est 20 fois plus puissant que la précédente machine ("Occigen") du Cines, restée 7 ans en production : mis en service en mai 2023, il se classait alors, avec une capacité de calcul de 74 pétaflops/seconde (PF/s), au dixième rang mondial des supercalculateurs, et au troisième en termes de sobriété numérique. C’est une infrastructure majeure pour le Cines, qui est chargé d’affecter des heures de calcul à la recherche publique. Parmi ses autres missions figure l’hébergement de serveurs, dans des baies mises à disposition de ses partenaires, mais aussi l’archivage pérenne de données numériques, issues de la recherche ou autres. Depuis l’inauguration de 2023, AdAstra a bénéficié d’une extension, sous la forme d’une nouvelle partition de puces dernière génération, installée à l’été 2024. Elle permettra de tester l’amélioration des performances pour les applications d’IA. "Nous nous positionnons pour répondre aux enjeux actuels de l’IA, notamment en santé : sur ce sujet, il y aura à l’avenir d’énormes besoins en calcul, qui peuvent être selon moi mutualisés au Cines", affirme son directeur, Michel Robert. Ainsi, le Cines vient de s’associer au projet "Alliance Santé IA", que le CHU de Montpellier a présenté, en février, devant un jury international. L’objectif est d’être financé comme l’hôpital pilote européen testant comment l’IA générative peut améliorer le travail de soignants. En cas de succès, le Cines offrira un espace sécurisé pour le stockage des données, et fera des calculs pour nourrir les algorithmes des applications créées pour ce projet. Moyennant 300 000 euros d’aide versée par l’État, le Cines planche d’ailleurs pour obtenir la certification HDS, qui en ferait "le seul centre habilité à héberger des données santé", selon Michel Robert. Par ailleurs, en 2024, l’Université de Montpellier (UM) a investi 2,5 millions d’euros dans l’installation d’un nouveau cluster de calcul dédié à l’IA au sein du Cines. Il vient consolider le "Mésocentre" de l’UM, une plateforme de calcul intensif préexistante : hébergée elle aussi par le centre, elle est utilisée par plus de 400 laboratoires, mais aussi par des entreprises telles que BRL (gestion d’eau potable) ou Predict Services (prévisions météo). "Nous venons par exemple d’entraîner Saul-Instruct, une IA générative de type juridique (créée par un laboratoire francilien, NDLR). C’est désormais la plus en pointe en Europe en matière de droit et de jurisprudence", illustre Michel Robert. Dans le cadre d’IA Montpellier Méditerranée, la Métropole vient de voter une aide de 500 000 euros pour favoriser l’émergence de ces clusters adossés au Cines. Mais dans le monde de l’IA, tout s’accélère ("les besoins en calcul doublent tous les ans", rappelle Michel Robert). Dans les deux ans écoulés depuis son inauguration, AdAstra a chuté au trentième rang mondial des supercalculateurs. "Nous devons investir pour réintégrer le top 10", estime le directeur. Le Cines teste actuellement une troisième partition de puces, dans l’espoir de booster sa machine en portant sa capacité de calcul de 74 à 100 PF/s. Mais dans un contexte budgétaire hypertendu, trouvera-t-il auprès du ministère de la Recherche, son autorité de tutelle, les dizaines de millions d’euros nécessaires pour concrétiser le projet ? "C’est une question de priorités. Si nous ne faisons rien, nous serons distancés par d’autres projets concurrents à l’international. Le Cines a pourtant les effectifs et l’espace disponible pour monter jusqu’à 500 pétaflops/seconde !"