Pile je gagne, face ils perdent, pourraient en rire les traders. Malgré les turbulences boursières provoquées par l’imposition de droits de douane décidés par Donald Trump et les pertes importantes de valeurs en ce début de semaine, tout n’est pas perdu pour ces spécialistes des marchés financiers. « Il y a toujours de l’argent à se faire », introduit Julien, ancien trader parisien aujourd’hui paisiblement retiré des affaires sous le soleil espagnol. Même quand les bourses mondiales dégringolent ? Si cela peut paraître contre-intuitif pour les profanes, lui sait « qu’il n’y a pas de raison de gagner de l’argent que lorsque ça monte, même si c’est plus simple », concède-t-il. Et pour cela, il suffit de vendre… avant d’acheter. Encore fallait-il y penser, de vendre une chose qu’on ne possède pas encore. Une possibilité réservée aux bureaux de traders à laquelle n’ont pas accès les petits porteurs particuliers. Mais alors, comment ça marche ? « L’idée est de parier sur la baisse d’un titre. Si quelqu’un veut acheter ce titre, toi tu empruntes des actions de ce titre à quelqu’un d’autre pour les vendre à l’acheteur. Puis tu les rachètes pour les restituer au prêteur, généralement deux jours après ». Et c’est là que la baisse du marché peut être bénéfique : « Si le mec qui a emprunté l’action la rachète ensuite plus bas, il a gagné. Mais si ça a monté, il a perdu », explique cet ancien de Natixis, qui y était spécialisé dans ces techniques d’emprunts d’action. Dans le jargon des traders, c’est ce qu’on appelle « shorter » un titre. Une technique de trading importée des Etats-Unis en Europe à la fin des années 1990, et surtout pratiquée par les fonds d’investissement. Les prêteurs rémunérés contre un petit pourcentage Mais encore faut-il trouver un prêteur, qui ne le fera évidemment pas gratuitement : « Si ce sont [des titres d'] une petite boîte, c’est plus compliqué. Mais si c’est [du] Total par exemple, il y a plein de fonds de pension ou de Sicaf de banque qui ont ces titres-là qui dorment dans leurs comptes. Ils acceptent de les prêter contre un petit pourcentage, genre 0.20 % ; il y a plein de taux différents selon les produits ». Shorter est aussi une manière d’assainir le marcher et d’envoyer des signaux aux entreprises qui voient les traders miser sur leur baisse. Une information disponible dans les terminaux Bloomberg, l’outil indispensable de tous les bureaux de traders. « C’est une manière de dire qu’on pense qu’elle est surévaluée et ne travaille pas comme elle le devrait », résume Julien. « Se dire que la baisse est exagérée » Dans ces moments de panique boursière, d’autres prises de position restent possibles : « Tu peux aussi te dire que la baisse actuelle de la bourse est exagérée et qu’elle va remonter. Et penser qu’en réalité, Trump cherche à faire des deals en annonçant le pire truc possible, pour ensuite se mettre d’accord pays par pays. Et que donc après, ça va remonter gentiment. Mais récupérer tout ce qui a été perdu va prendre un peu de temps. Il ne faut pas croire qu’il faut tout shorter actuellement » Passé ces techniques de professionnels, reste des victimes. Car pour qu’il y ait des gagnants, il faut bien quelques perdants. Des perdants qui verront peut-être les valeurs de leurs actions, dépréciées actuellement, remonter avec le temps. Car si le CAC40 a cédé près de 10 % ces 5 derniers jours, il a progressé d’un peu plus de 40 % en dix ans.