Pourquoi la France a refusé de remettre ce militant antifasciste à la Hongrie

Rexhino Abazaj, alias « Gino », est visé depuis novembre 2023 par un mandat d’arrêt européen émis par le pays de Viktor Orbán. JUSTICE - Crâne rasé, lunettes, costume foncé et cravate rouge, « Gino » est sorti de la salle d’audience sous les applaudissements de ses soutiens. La justice française a refusé, ce mercredi 9 avril, de remettre à la Hongrie le militant antifasciste, craignant qu’il subisse des conditions de détention indignes. Rexhino Abazaj est accusé par la Hongrie, comme une dizaine d’autres personnes, d’avoir « brutalement attaqué » des activistes d’extrême droite à Budapest en février 2023 alors qu’une commémoration était organisée par des néonazis dans la capitale hongroise. Depuis novembre 2023, le pays a émis contre lui un mandat d’arrêt européen. C’est dans ce cadre qu’il a été arrêté un an plus tard à Paris, où il se trouve depuis 2024. Cet Albanais qui a grandi en Italie et passé plusieurs années en Finlande avait alors été incarcéré puis libéré sous contrôle judiciaire en mars 2025. La justice française devait trancher ce mercredi 9 avril sur sa remise aux autorités hongroises. Avant de se prononcer, les autorités ont demandé à la Hongrie quelques précisions sur les futures conditions de détention du prévenu. Et les éléments de réponse apportés ont poussé la cour d’appel de Paris refuser ce transfert. En effet, la Hongrie a indiqué que Gino serait placé à l’isolement « pour sa protection personnelle », d’après la décision dont l’AFP a eu connaissance. Sauf qu’il n’existe pas aujourd’hui dans le pays de Viktor Orbán de différence entre l’isolement disciplinaire et sécuritaire, souligne la cour d’appel dans son arrêt, en citant des observations du Conseil de l’Europe. À l’isolement, la prison hongroise peut notamment avoir recours à « la vidéosurveillance en continu » pendant « une longue durée ». Ces conditions constituent « un risque de traitement dégradant » pour « Gino », qui encourt 24 ans d’emprisonnement, estime la cour. Concernant le droit à un procès équitable, elle a souligné « un contexte de défaillance systémique » dans le pays, questionnant notamment le mode de désignation des juges, bien que Budapest ait assuré avoir « un parquet indépendant ». La cour d’appel a, entre autres, relevé « les prises à partie politiques virulentes de personnes poursuivies par le porte-parole du gouvernement ». Ce mercredi, la chambre des extraditions a aussi levé le contrôle judiciaire du militant. Mais « si vous franchissez les frontières », « un autre pays peut mettre à exécution le mandat européen qui est toujours diffusé », a prévenu le président en s’adressant à Rexhino Abazaj. « C’est une décision courageuse », a salué Me Youri Krassoulia, l’un des avocats de « Gino ». « Dans cette affaire, l’indépendance des juges n’est pas assurée tant la dimension est politique », a ajouté Me Laurent Pasquet-Marinacce, son autre conseil. « Je peux rester en France, je suis protégé du régime hongrois qui favorise le néofascisme et livre une chasse à l’antifascisme », s’est de son côté réjoui Gino. Le trentenaire a salué « une décision très positive » pour lui, mais également pour les autres militants. « Il y a d’autres antifascistes recherchés par la Hongrie, d’autres en prison, mais la France a montré aujourd’hui qu’elle ne doit pas être soumise à la demande d’un pays comme la Hongrie, autoritaire et néofasciste », a-t-il estimé. Les autres pays européens « peuvent décider de suivre l’exemple des juges français », a espéré le militant, qui a reçu, le soutien de plusieurs centaines de personnalités, dont l’ex-ministre française de la Justice Christiane Taubira ou le cinéaste britannique Ken Loach, notamment à travers des tribunes. Comme lui, d’autres militants avaient été arrêtés en février 2023. C’est le cas d’Ilaria Salis, enseignante italienne, incarcérée plus d’un an en Hongrie, puis assignée à résidence avant d’être libérée après son élection au Parlement européen. À l’instar de Gino, la justice italienne a refusé de remettre Gabriele Marchesi, Italien de 24 ans arrêté en novembre 2023 à Milan, à la Hongrie. Au contraire, Maja T., activiste allemand de 24 ans non-binaire, a été remis par l’Allemagne à la Hongrie à l’été 2024. La Commission européenne et la justice européenne ont plusieurs fois condamné les dérives autoritaires du gouvernement de Viktor Orbán, depuis son retour à la tête du pays en 2010. 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