Bourse : « C’est louche »… Donald Trump a-t-il commis le plus grand délit d’initié de l’Histoire ?
Le crime parfait, la discrétion en moins ? En décidant subitement mercredi soir de mettre en pause pour 90 jours la hausse massive des droits de douane décrétée la semaine dernière (sauf pour la Chine), Donald Trump a relancé toutes les bourses mondiales et les actions des grosses entreprises. L’indice S & P 500, la bourse des Etats-Unis, a bondi de près de 10 % dans la foulée. Loin, très loin des récentes journées noires où, suite à la guerre commerciale décrétée le 2 avril, les marchés financiers chutaient massivement. Une époque déjà révolue. Mais ce énième virage de Donald Trump interroge, au point que le sénateur démocrate de Californie Adam Schiff a accusé l’hôte de la Maison-Blanche d’avoir commis un délit d’initié, demandant l’ouverture d’une enquête parlementaire. « Le président des États-Unis participe littéralement à la plus grande manipulation de marché au monde », ont affirmé de leur côté les élus démocrates de la commission des services financiers de la Chambre des représentants. Une volte-face manigancée depuis le départ ? Un délit d’initié ? Cela correspond à l’utilisation d’informations privilégiées et confidentielles pour faire des opérations boursières profitables. Exemple : un employé d’Apple vous apprend que la marque va sortir, demain et à la surprise générale, un nouvel iPhone. Vous savez donc que l’action va grimper en flèche et vous achetez massivement des parts avant la hausse des prix. Donald Trump est ici accusé d’avoir prévenu ses proches en avance de son revirement sur les droits de douane, afin qu’ils puissent s’enrichir. « Ses proches conseillers étaient forcément au courant », rappelle Alexandre Baradez, analyste des marchés financiers à IG France. L’idée d’une trêve de 90 jours avait déjà circulé il y a quarante-huit heures, avant d’être démentie. Parmi les accusations les plus graves, Donald Trump aurait même sciemment provoqué la panique avec ses droits de douane début avril en sachant très bien qu’il rétropédalerait quelques jours plus tard. Le tout pour provoquer une baisse du prix des actions, permettre à ceux au parfum d’en acheter en masse à moindres frais, puis les voir remonter et s’enrichir. Le mystérieux message de 15h33 « On est en droit de se poser la question, c’est quand même louche, reconnaît Christophe Bourdajaud, fondateur d’IsoBourse, spécialiste des marchés financiers. Il déclenche les hostilités puis fait une volte-face en une semaine. » Autre pièce à conviction, Donald Trump a fait ses annonces de trêve de douanes et d’incitation à acheter alors que le marché était ouvert, accélérant les mouvements. Alors que « classiquement, ce genre d’annonce se fait avec des marchés clôturés, justement pour limiter les excès ». Et puis il y a ce fameux message posté mercredi à 15h33 (heure française) sur son réseau social : « C’EST LE MOMENT D’ACHETER ». Pour certains, ce post l’accuse - ce serait un message « codé » pour annoncer à ses partisans que le volte-face allait avoir lieu. Pour d’autres au contraire, il l’innocente. « Techniquement, il a donné l’information à tout le monde, sourit Alexandre Baradez. On ne peut plus vraiment l’accuser d’avoir détenu un secret pour ne le faire exploiter que par quelques-uns ». Rien n’indique que Donald Trump évoquait les douanes à ce moment-là : « On peut voir cela comme une incitation à acheter pour justement calmer la baisse de la bourse qui avait lieu à ce moment-là, et non par rapport à sa décision future. » Donald Trump a-t-il voulu faire dans le social ? Pour Antoine Andreani, expert en marché financier, son message était bel et bien une indication de ce qui allait se préparer, mais il s’agissait plus d’une passe décisive pour l’Américain moyen, et non pour un cercle proche. Aux Etats-Unis, 60 % de la population détient des actions, rappelle le spécialiste : « Il a voulu faire profiter son électorat de quelques ressources en les incitant à acheter avant la flambée. » Avait-il le droit d’écrire dessus, plusieurs heures avant l’annonce officielle du retrait des hausses des droits de douane ? « Ce n’est pas illégal, à partir du moment où l’information est donnée universellement et que tout le monde pouvait la lire », estime Antoine Andreani. Pour reprendre l’exemple d’Apple, si la société tweete « Quelle belle journée pour la marque, on va cartonner ! » avant d’annoncer le lancement de son nouvel iPhone, on ne peut pas parler d’un délit d’initié, puisque tout le monde était au courant en avance. Il faut sauver l’économie américaine Mais la question « morale » se pose selon Antoine Andreani : « Donald Trump a quitté son rôle de président des Etats-Unis pour devenir une sorte de super-conseiller des marchés des Américains. C’est dangereux ». Car comme après tout coup de chaud, le marché va se réajuster et connaître des baisses. « Les Américains sont-ils au courant ?, s’interroge l’expert. Demanderont-ils des comptes à Donald Trump s’ils perdent de l’argent ? » Dernier axe de défense pour innocenter le président américain : avait-il le choix concernant les droits de douane ? La banque centrale américaine venait de refuser de baisser ses taux, autre levier pour relancer l’économie américaine, rappelle Alexandre Baradez. « A part renoncer aux droits de douane, Trump n’avait que peu de marge de manœuvre pour éviter une énorme récession ». Les risques étaient grands et de nombreux économistes appelaient le président à une trêve. Christophe Bourdajaud conclut : « Au final, Trump n’a fait qu’écouter ce que tout le monde lui disait depuis des jours, voire des semaines. Il n’y a pas forcément de machiavélisme derrière, juste une décision logique. »