Le ministre américain de la Santé le promet : les causes de ce qu’il qualifie d’«épidémie d’autisme» seront trouvées. Robert Kennedy Jr. - notoirement vaccino-sceptique - a annoncé ce jeudi 10 avril qu’une étude menée par les autorités sanitaires américaines permettrait d’établir, «d’ici septembre», «ce qui a causé l’épidémie d’autisme. Et nous serons en mesure d’éliminer ces facteurs». «Nous avons lancé des travaux de recherche qui vont impliquer des centaines de scientifiques du monde entier», a-t-il également précisé au cours d’une réunion gouvernementale à la Maison Blanche. Mais l’implication de Robert Kennedy Jr dans un tel travail a de quoi inquiéter : le ministre a en effet établi à plusieurs reprises un lien entre le vaccin obligatoire ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l’autisme, une théorie issue d’une étude truquée et maintes fois démentie par des études postérieures. Les annonces de RFK Jr. ont immédiatement été saluées par le président Donald Trump, présent dans la pièce. «Il y a quelque chose qui le cause», a-t-il assuré, avançant lui-même des pistes - allusion à peine cachée aux vaccins et contraire aux connaissances scientifiques - : «C’est possible qu’il faille qu’on arrête de prendre quelque chose, ou de manger quelque chose, ou peut-être que c’est un vaccin.» Et de pointer la hausse «terrible» des cas d’autisme enregistrée dans le pays ces dernières années. Le sujet est donc cher, tant au président républicain qu’au vaccino-sceptique Robert Kennedy Jr., qui ne cessent de suggérer depuis plusieurs années que les vaccins pourraient être responsables de la hausse de ce trouble du neurodéveloppement. Facteurs environnementaux Malgré l’existence de plusieurs études et un consensus scientifique contredisant cette théorie autour du vaccin, RFK Jr. a ordonné en mars la tenue d’une nouvelle enquête sur le sujet. Sollicité par l’AFP sur l’annonce de cette nouvelle étude sur les causes d’autisme, le ministère de la Santé n’a pas dans l’immédiat apporté de précisions. Un des arguments phares repris par les tenants de cette théorie infondée est que les cas augmentent. Selon les chiffres des CDC [Centers for disease control and prevention, en français Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, ndlr], la principale agence sanitaire du pays, la prévalence des cas d’autisme est passée pour les enfants nés en 1992 d’1 sur 150 à 1 sur 36 pour ceux nés en 2012. Mais pour les spécialistes, pas question de parler «d’épidémie» : «Il y a une distinction importante à faire entre la prévalence réelle, qui correspond à l’état de santé de la population et qui semble stable, et la prévalence mesurée», développe Hugo Peyre, pédopsychiatre au CHU de Montpellier. Même si la prévalence mesurée «augmente de manière spectaculaire depuis le début des années 2000», cela ne veut pas dire «que les enfants sont plus malades». En effet, cette augmentation s’explique surtout par l’élargissement des critères de diagnostic de l’autisme et par une meilleure connaissance des professionnels. «Un escroc» La déclaration de Robert Kennedy Jr a soufflé un vent de panique chez nombre de scientifiques. «Quiconque prétend résoudre un problème aussi complexe en 5 mois est un escroc», a réagi sur X Neil Stone, spécialiste des maladies infectieuses au University College Hospitals de Londres. L’autisme, affection complexe et au spectre très large, est très étudié et les médecins s’interrogent depuis longtemps sur son origine. S’il n’existe pas à ce jour de cause unique identifiée, plusieurs facteurs environnementaux ont été mis en avant, comme une neuro-inflammation ou la prise de certains médicaments comme l’anti-épileptique Dépakine durant la grossesse, tout comme des prédispositions génétiques. «Près de 200 gènes ont été associés à l’autisme et environ 80 % des cas d’autisme peuvent être liés à des mutations génétiques», explique ainsi Thomas Bourgeron, responsable de l’unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur. Pour l’ONG américaine Autistic Self Advocacy Network, l’annonce de RFK Jr est un «signal clair» que le ministère de la Santé «a l’intention de produire des recherches truquées et frauduleuses qui soutiennent les croyances préexistantes de Kennedy et de Trump sur le lien entre l’autisme et les vaccins».