«J’ai toujours été croyante mais quand j’étais plus jeune, c’était mal vu dans mon collège ou lycée, c’était la honte. Maintenant, grâce aux juifs et aux musulmans sur les réseaux sociaux qui parlent ouvertement de leur foi et de leurs pratiques, je me suis remise en question et je me suis concentrée sur ma religion et je l’ai assumée », confie Justine, 32 ans, qui s’est fait baptiser l’an dernier à Pâques. Ce n’est pas la seule nouvelle « catho » que l’Eglise compte dans ses rangs. Cette année, 10.384 adultes seront baptisés à Pâques et plus de 7.400 adolescents, selon un rapport de la Conférence des évêques de France (CEF). Des entrées en religion en forte augmentation en un an – + 45 % chez les adultes et + 33 % chez les adolescents – qui est grandement liée aux réseaux sociaux, comme pour le cas de Justine, mais pas que. La nouvelle génération tant attendue par une Eglise plombée par les scandales de violences sexuelles va-t-elle finir par remplir les paroisses désertées ? L’afflux des 15-25 ans est une bonne surprise qui pourrait enfin moderniser l’Eglise. « Ils s’assument, sont beaucoup plus à l’aise pour parler de leur foi. Les réseaux sociaux aussi poussent à cela, et ils sont acteurs de leur foi, ils vont d’eux-mêmes à la messe », explique à l’AFP Catherine Lemoine, déléguée pour l’accompagnement des adolescents à la CEF. « Les prêtres sur TikTok rendent la religion attirante » En effet, sur les réseaux sociaux et notamment TikTok, les internautes n’ont pas pu rater les « routines carême » des chrétiens. « Ce que je mange pendant le carême », « avoir ses règles durant le carême », « mon maquillage durant le Carême » étaient notamment des thèmes abordés par les créateurs de contenu, et ça, c’est plutôt nouveau et étonnant. « Je suis né dans une famille complètement athée, un cliché, des parents profs et très terre à terre. Mais en scrollant sur TikTok, j’en apprends vachement sur le catholicisme, parce qu’il y a des prêtres et des sœurs. Ils rendent ça super attirant. Je suis allé pour la première fois à un mercredi des Cendres avec un pote catho et je pense de plus en plus à prendre des cours de catéchisme et peut-être même à me faire baptiser », témoigne Paul, avec l’enthousiasme d’un jeune de 23 ans. « C’est aussi dû à la présence de l’Islam en France, qui par le ramadan propose quelque chose d’assez fort. Chez les jeunes, il y a l’idée que s’ils sont chrétiens, il faut que cela se voit. Ils ne veulent pas être tièdes ou fades. Et c’est quelque chose de très beau, propre à cette nouvelle génération », décrypte auprès du Huffington Post, le père Benoît Pouzin, qui officie à Valence, dans la Drôme. En effet, cette nouvelle vague de publications est loin d’être anodine, car le carême a débuté en même temps que le ramadan cette année. Comme une microcroisade des catholiques de France, sur X, Instagram et TikTok, de nombreux commentaires ont été postés sous des publications au sujet du ramadan avec une seule idée : « Et le carême alors ? Pourquoi on n’en parle pas ? ». Ainsi, plusieurs croyants ont décidé de prendre leur téléphone et de montrer, eux aussi, leur quotidien durant cette période de 40 jours. Et selon le père Pouzin, les effets se font remarquer. « D’habitude, on a une centaine de personnes pour le mercredi des Cendres, là on en avait 500 et beaucoup de jeunes », précise-t-il à nos confrères. Un investissement parfois politique Mais derrière un besoin de se réaffirmer, la politique n’est jamais très loin. « Le fait d’afficher notre religion alors silencieuse jusqu’à présent, c’est surtout pour se battre et préserver nos valeurs françaises et judéo-chrétiennes. Il faut que les catholiques soient plus visibles et pas une minorité alors que les musulmans prennent de la place sur les plateformes surtout pendant le Ramadan et l’Aïd. Notre pays fête Pâques, Noël, le 15-Août… On utilise TikTok pour reprendre notre place, chez nous », s’emporte, Augustin* fervent catholique toulousain qui s’est donné pour mission d’attirer ses copains à la messe. A 19 ans à peine, « son combat » est plus idéologique que religieux et il l’assume. Mais pour la plupart, ces créateurs de contenu sont de « bonne foi » et veulent véritablement ouvrir leur religion aux autres. « Ce n’est pas un secret à garder privé. J’ai beaucoup appris sur l’Islam parce que les jeunes musulmans en parlent. A nous aussi d’en parler et de montrer notre foi. Si tout le monde avait les mêmes bases de connaissance, il y aurait moins de haine entre religions », ajoute une créatrice de contenu catholique qui préfère tout de même garder l’anonymat. Derrière le rôle des réseaux sociaux dans cette nouvelle vague de jeunes qui se baptisent, il reste tout de même d’autres explications. Pour l’archevêque de Lyon, Olivier de Germay, « c’est un peu l’anti-génération mai 68. Ils se rendent compte que le progrès technologique n’a pas tenu ses promesses. La surconsommation a déçu. Le matérialisme, aujourd’hui, est remis en question parce qu’ils ont le sentiment que finalement ça n’ouvre pas de perspective », affirme-t-il à l’AFP. Une Eglise qui espère d’ailleurs que cette tendance chez les jeunes ne soit pas un effet de mode et qu’ils ne swipent pas leur foi dans la minute. *Le prénom a été modifié.