Alexis Kohler, l’homme du président qui a incarné la rigidité du macronisme

Le secrétaire général de l’Élysée quitte son poste ce lundi 14 avril, après plus d’une décennie passée aux côtés d’Emmanuel Macron. POLITIQUE - « Ils devraient appeler la maréchaussée pour aller le choper ». Tout sourire, un ministre issu de la droite s’amuse auprès du HuffPost de la énième fin de non-recevoir adressée par Alexis Kohler aux parlementaires qui voudraient l’entendre dans le cadre d’une commission d’enquête. Les sénateurs voulaient l’interroger sur le scandale des eaux en bouteille, tandis que les députés espéraient recueillir sa version du dérapage budgétaire. Non et non. Le secrétaire général de l’Élysée, qui quitte ses fonctions ce lundi 14 avril, n’a pas jugé bon de répondre à la convocation des parlementaires, en dépit des risques judiciaires qu’une telle position implique. Pas de quoi arranger son image auprès de ses (nombreux) détracteurs, qui décrivent volontiers un exécutant froid se considérant comme inatteignable. « Il y a des gens qui doivent arrêter de se penser au-dessus des lois », dénonçait dans Mediapart le président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel. L’image d’un bras droit zélé du chef de l’État, en charge des basses besognes et de la traduction sa « pensée complexe » auprès des troupes macronistes : voilà la réputation que l’homme a contribué à installer durant ces huit ans au palais. « Il était vraiment vu comme la tour de contrôle incontournable, à la fois craint et respecté. Il avait le mérite de protéger le président : quand une décision prise ne plaisait pas, c’était toujours la faute d’Alexis Kohler, jamais du chef de l’État », se souvient un ancien conseiller ministériel du premier quinquennat. Ce qui a, aussi, pu dérouter en interne. « Je pense qu’une partie de la Macronie historique a pu lui reprocher de freiner l’envie réformatrice du président, et c’est sûrement un peu vrai. Mais il a aussi probablement débranché pas mal de dingueries aussi », poursuit le même. Des manœuvres qui pouvaient s’accompagner de méthodes rudes. Dans son livre À ma place sorti ce jeudi 10 avril, Yaël Braun-Pivet rapporte par exemple que c’est le secrétaire général de l’Élysée qui a tenté de la dissuader de se présenter à la présidence de l’Assemblée nationale en 2022, alors qu’elle était ministre des Outre-mer. Le mode opératoire ? Un coup de pression en bonne et due forme. « La menace finit par tomber. Si je présente ma candidature, je perdrai mon poste de ministre », écrit celle qui a finalement obtenu le Perchoir. Sur le plan médiatique, son nom a souvent été associé aux scandales qui ont émaillé les mandats d’Emmanuel Macron. Avec un baptême du feu plutôt douloureux lors de la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla, durant laquelle le « vice-président » a bien eu du mal à justifier le port d’arme accordé à l’ex-collaborateur élyséen. Selon plusieurs indiscrétions de presse, l’homme, qui rejoint la Société générale, a aussi incarné ce que le macronisme a produit de plus rigide : du maintien de la taxe carbone pendant les gilets jaunes au refus de toucher à la date des élections municipales en pleine crise du Covid. Plus attaché à la recherche de résultats qu’à la cohésion sociale en quelque sorte. « C’est un grand serviteur de l’État qui travaille énormément et qui a eu à cœur de garder la dynamique initiale du dépassement, en mettant l’entreprise au cœur des réflexions politiques », tempère auprès du HuffPost Roland Lescure, qui a eu à le côtoyer en tant que président de la commission des affaires économiques de 2017 à 2022, puis récemment en tant que vice-président de l’Assemblée. « Après, effectivement, ce n’est pas un homme politique. Il est plus dans l’action que dans la communication ou la séduction. Sérieux, oui. Froid, non », poursuit le député des Français d’Amérique du Nord. Le point le plus délicat reste sa mise en examen pour prise illégale d’intérêt dans l’affaire MSC. Ce technocrate, au service d’Emmanuel Macron depuis 2014, est soupçonné d’avoir participé comme haut fonctionnaire de 2009 à 2016 à plusieurs décisions relatives à cet armateur italo-suisse, fondé et dirigé par des cousins de sa mère, la famille Aponte. De quoi rajouter au caractère sulfureux du personnage, qui laisse un souvenir mitigé, mêlant loyauté sans faille et intransigeance austère. Le tout avec une part d’ombre liée au secret et la centralité de sa fonction. Avec, en prime, un soupçon de sentiment d’impunité. « Sur la question des finances publiques, il aurait dû être un peu davantage écouté », estime un marcheur historique. C’est justement ce que voulait faire la commission d’enquête sur le dérapage du déficit public. Mais, comme dit plus haut, Alexis Kohler a refusé de répondre à la convocation. Comme il a refusé de passer devant les sénateurs, désireux de savoir à quel point l’Élysée était impliqué dans le scandale des eaux en bouteilles. Et, en passant, de mesurer la pénétration des intérêts privés au sein de la présidence de la République au détriment de la santé publique. L’ultime geste d’un paratonnerre voulant protéger Emmanuel Macron jusqu’à la dernière seconde. Quoi qu’il en coûte. À voir également sur Le HuffPost : La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous. plus : Inscrivez-vous aux newsletters du HuffPost et recevez par email les infos les plus importantes et une sélection de nos meilleurs articles En vous inscrivant à ce service, vous acceptez que votre adresse mail soit utilisée par le Huffington Post, responsable de traitement, pour la gestion de votre inscription à la newsletter. 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