Etats-Unis : Instagram, WhatsApp, concurrence déloyale… Ce qu’il faut savoir sur le procès de Mark Zuckerberg
Le procès antitrust intenté contre Meta a démarré ce lundi à Washington dans une atmosphère électrique, avec à la barre, en premier témoin, Mark Zuckerberg lui-même. L’enjeu est majeur : si la Federal Trade Commission (FTC) obtient gain de cause, le géant des réseaux sociaux pourrait être contraint de se séparer de deux de ses plateformes les plus emblématiques, Instagram et WhatsApp. Une affaire retentissante qui menace le modèle de croissance du groupe californien et pourrait faire date dans l’histoire de la régulation du numérique. Pourquoi ce procès a-t-il lieu ? L’affaire judiciaire trouve son origine sous l’administration Trump, en 2020, quand la FTC a déposé plainte contre Meta, encore nommé Facebook à l’époque. L’agence de protection des consommateurs accuse l’entreprise d’avoir abusé de sa position dominante pour racheter des concurrents émergents – Instagram en 2012 pour 1 milliard de dollars, WhatsApp en 2014 pour 19 milliards – et ainsi neutraliser toute menace concurrentielle. « Meta a décidé que la concurrence était trop rude et que ce serait plus facile d’acheter ses rivaux plutôt que d’être en concurrence avec eux », a résumé Daniel Matheson, représentant de la FTC, dès l’ouverture du procès, dans une salle d’audience bondée. Selon lui, ces acquisitions visaient à « éliminer des menaces immédiates » et à protéger l’hégémonie de Facebook sur les réseaux sociaux personnels. A la barre, la défense de Mark Zuckerberg Appelé à témoigner dès le premier jour, Mark Zuckerberg a reconnu que les relations sociales, cœur historique de Facebook, restaient une composante de l’activité, mais que cette dimension avait fortement reculé face à d’autres usages. « Cela fait définitivement partie de ce que nous faisons, mais cette activité n’a pas vraiment progressé par rapport à d’autres aspects », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Les connexions avec les proches représentent une part de moins en moins grande de notre organisation. » La stratégie de défense de Meta repose sur plusieurs axes : démontrer que le marché des réseaux sociaux est bien plus large que celui des seuls « réseaux sociaux personnels », et qu’il est hautement compétitif. Elle affirme que les acquisitions visées ont permis de faire grandir ces services, au bénéfice des consommateurs. « Des acquisitions engagées avec la volonté de faire grandir et d’améliorer les entreprises rachetées n’ont jamais été illégales », a insisté Mark Hansen, avocat de Meta, qualifiant Instagram et WhatsApp de « réussites en matière de bien des consommateurs ». Des e-mails accablants pour Meta Pour convaincre le juge James Boasberg, la FTC s’appuie notamment sur une série d’échanges internes. Dans un e-mail datant de 2012, rendu public dès le début du procès, Mark Zuckerberg écrivait : « L’impact potentiel d’Instagram est vraiment effrayant, et c’est pourquoi nous devrions envisager de payer beaucoup d’argent. » “Antitrust just cares about effects on competition and consumers so that’s the only story that’s going to be in front of the court today.” Daniel Francis, law professor at NYU, breaks down the FTC’s historic antitrust trial against Meta. pic.twitter.com/Uh8NnLSz9q — ABC News Live (@ABCNewsLive) April 14, 2025 L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires. Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies J’accepte Des propos qui renforcent l’accusation d’un rachat motivé non par la volonté de développement, mais par la peur d’une concurrence trop menaçante. Aujourd’hui, Instagram compte environ deux milliards d’utilisateurs dans le monde, et génère une part importante des revenus publicitaires de Meta. WhatsApp, pour sa part, s’est imposé comme une application de messagerie incontournable dans des régions clés comme l’Europe, l’Amérique du Sud et l’Inde. Un juge prudent, une FTC sous pression Le juge James Boasberg, qui décidera de l’issue du procès sans jury, a déjà mis en garde la FTC : l’agence devra répondre à des « questions difficiles sur la capacité de ses accusations à tenir la route devant la cour ». Et pour cause : si elle a remporté une victoire en 2023 contre Google, reconnu coupable d’abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche, la FTC a également essuyé plusieurs revers. Elle n’a pas réussi à bloquer l’acquisition de Within (réalité virtuelle) par Meta ni celle d’Activision Blizzard par Microsoft. Par ailleurs, l’un des points centraux du procès porte sur la définition du marché concerné. Pour la FTC, Meta opère dans le secteur des « réseaux sociaux personnels », centrés sur les échanges avec la famille et les amis. Ce périmètre exclut des plateformes comme TikTok ou YouTube, qui seraient davantage tournées vers le divertissement de masse. Meta, de son côté, rejette cette catégorisation. Le groupe argue que cette vision ne reflète pas l’évolution des usages numériques et cherche à prouver que les frontières entre messagerie, divertissement et partage social sont devenues poreuses. Cette bataille sémantique et stratégique pourrait bien déterminer l’issue du procès.