Y a-t-il une menace russe ?

Serhii Hrekh. – « Head 5 » (Tête 5), 2023 © Serhii Hrekh - ferosone.artfond.me «La France n’est pas une île », mettait en garde M. Emmanuel Macron le 20 février dernier sur les réseaux sociaux. « Strasbourg-l’Ukraine, c’est à peu près 1 500 kilomètres, ce n’est pas très loin. » L’Alsace après le Donbass ? L’alarmisme surjoué du président français a peut-être fait sourire son ministre de la défense Sébastien Lecornu, qui, comme la plupart des gens sérieux, exclut ce scénario : « Être une puissance dotée de l’arme nucléaire ne peut, en toute logique, nous mettre dans la même posture qu’un pays qui en est dépourvu. » Un de ses prédécesseurs, M. Hervé Morin, s’interrogeait dans Le Journal du dimanche du 9 mars : « Est-ce qu’on a besoin d’inquiéter excessivement nos compatriotes en leur disant grosso modo que la menace ultime aux frontières de la France, c’est la Russie ? » La question pourrait se poser dans les mêmes termes en Allemagne. Ou en Espagne, en Italie. Mais plus à l’est et autour de la mer Baltique ? Un conflit majeur s’annonce-t-il au cœur du Vieux Continent ? À de rares exceptions près, personnalités et dirigeants européens ne s’embarrassent plus du conditionnel : l’armée russe se prépare à l’action. En cas de cessez-le-feu durable en Ukraine, explique M. Macron le 1er mars au Parisien, Moscou attaquera « à coup sûr la Moldavie, la Roumanie peut-être ». Pour l’eurodéputé Place publique Raphaël Glucksmann, les « troupes russes franchiront [les] frontières » estonienne et lettone (Le Monde, 22 février). Une version réchauffée de la théorie des dominos servie deux jours auparavant dans L’Express : « Vladimir Poutine (…) n’aura de cesse de mettre l’Ukraine à genoux, avant de s’en prendre à la Géorgie, à la Moldavie, voire aux pays baltes ou à la Pologne… » Vu de Bruxelles ou de Paris, deux obstacles rendent la voie diplomatique impraticable : la conviction que la Russie ne comprend que la force ; la certitude que M. Vladimir Poutine ment. Cette défiance s’enracine dans une certaine lecture des causes du (...)