Découverte d’un nouveau groupe sanguin : pourquoi cela pourrait sauver des vies

Nous croyons souvent que le sang se divise en quatre catégories : A, B, AB et O. À celles-ci s’ajoute un petit plus ou un petit moins, qu’on appelle Rhésus. C’est en partie vrai, mais terriblement incomplet. En réalité, le sang humain se classe selon des dizaines de systèmes, bien plus complexes et généralement méconnus, qui reposent sur la présence de petits marqueurs biologiques à la surface des globules rouges, appelés antigènes. Ces antigènes jouent un rôle d’étiquette : ils permettent à notre système immunitaire de reconnaître ce qui lui « appartient ». Lorsqu’on reçoit une transfusion, ces étiquettes doivent matcher. Sinon, le corps risque de rejeter le sang transfusé, comme s’il s’agissait d’un indésirable. Le système ABO et le Rhésus ne sont donc que la partie émergée de l’iceberg. Le dernier en date vient tout juste d’être identifié, après cinquante ans de silence. Il s’appelle MAL, et pourrait bien éviter à quelques patients de graves complications. Un détail qui ne collait pas Lorsqu’une patiente se présente, en 1972, à un examen de grossesse, les médecins britanniques qui s’occupent d’elle remarquent que les globules rouges de cette patiente ne portent pas une molécule qu’ils sont censés afficher. Une molécule minuscule, nichée à la surface des cellules sanguines, et que l’on retrouve chez quasiment tout le monde. L’échantillon fut ensuite mis de côté, et la question resta en suspens. Il faudra attendre cinquante ans, des techniques génétiques plus modernes pour lui donner un nom : le groupe sanguin MAL. Ce système, officialisé en décembre 2024 dans cette publication de la revue Blood, est fondé sur un tout petit fragment de protéine du même nom : MAL. On la retrouve normalement à la surface de plusieurs types de cellules, notamment celles du système nerveux (la myéline, isolant des neurones qui composent le cerveau) et du système immunitaire (les lymphocytes). Voilà pourquoi il est baptisé ainsi, MAL étant l’acronyme de « Myelin and Lymphocyte ». Sur les globules rouges, cette protéine sert de support à un petit marqueur biologique, baptisé AnWj ; un antigène que la quasi-totalité des personnes possèdent. Toutefois, chez la patiente dont il est question en haut de paragraphe, l’AnWj était complètement absent et personne ne parvint à donner une explication. Pour Louise Tilley, hématologue au sein du National Health Service, cette anomalie biologique n’a jamais cessé de l’intriguer. Pendant près de vingt ans, elle a repris les données, creusé les pistes génétiques et coordonné les recherches pour élucider ce cas resté sans réponse. « C’est un immense accomplissement, le fruit d’un long travail d’équipe, d’avoir enfin identifié ce nouveau système de groupe sanguin et de pouvoir ainsi offrir une prise en charge optimale à des patients certes rares, mais dont les besoins sont essentiels », expliqua-t-elle au mois de décembre dans ce communiqué de l’Université de Bristol. Comprendre l’impact clinique de la découverte du système MAL Concrètement, pourquoi est-ce aussi important ? Même si ce groupe sanguin est ultra-rare, son identification est un immense progrès. Chez les personnes dépourvues de l’antigène AnWj, une transfusion standard peut suffire à déclencher une réaction immunitaire, même si les groupes ABO et Rhésus sont compatibles. Un risque peu fréquent, mais tout de même existant ; il passe d’autant plus inaperçu que les tests classiques ne détectent pas cette incompatibilité. Jusqu’ici, ces patients restaient hors radar. Leur sang ne posait pas de problème visible, mais il pouvait devenir dangereux dès lors qu’un antigène absent chez eux était présent dans le sang transfusé. Eux aussi sont rares, puisqu’on estime que plus de 99,9 % des personnes dans le monde possèdent l’antigène AnWj. Si rares qu’il faut être capable de les détecter, pour éviter toute erreur. Les chercheurs ont identifié la cause principale de l’absence d’AnWj : chez certains, les deux copies du gène MAL sont altérées, ce qui empêche la cellule de fabriquer la protéine qui sert de support au marqueur. Ils ont aussi rencontré d’autres cas, plus difficilement explicables : des patients chez qui le gène MAL était intact, et pourtant, l’antigène restait introuvable. Cela laisse donc à penser qu’un autre mécanisme biologique entre en jeu ici. Dans certains cas, une maladie du sang pourrait « mettre en veille » le gène, et bloquer temporairement la production du marqueur, sans toucher directement à l’ADN. Ce type de répression n’est pas encore bien compris, mais cela montre bien que l’absence de cet antigène n’est pas toujours liée à une mutation, mais peut être une cause sous-jacente d’un trouble encore non diagnostiqué. Pour trancher, l’équipe de Tilley a procédé à une expérience : introduire un gène MAL fonctionnel dans des cellules dépourvues d’AnWj. Le résultat fut immédiat : l’antigène réapparaît. Une preuve directe que ce gène est bien responsable de sa présence. Autre curiosité : l’antigène AnWj est absent à la naissance, même chez les bébés qui le posséderont plus tard. Il apparaît bien par la suite, mais au bout de quelques jours. Ce retard dans l’expression du marqueur reste, pour l’instant, inexpliqué. Certes, cette découverte ne concerne qu’un nombre infime de patients. Toutefois, pour celles et ceux dont l’organisme refusait un sang que les tests standards considéraient comme compatible, le fait de pouvoir nommer cette absence, de comprendre d’où elle vient, et d’y associer un protocole de suivi adapté est un gigantesque progrès. Là est aussi le rôle de la médecine ; transfusionnelle ou non : apprendre à mieux repérer les exceptions, à les interpréter et à mieux protéger ceux qu’on ne savait pas différencier des autres. Une anomalie sanguine détectée il y a cinquante ans a finalement été identifiée comme un groupe à part entière, longtemps ignoré par les classifications classiques : le système MAL. Cette forme rare de sang, présente chez une infime partie de la population, peut provoquer des réactions lors des transfusions si elle n’est pas repérée à temps. La médecine est dorénavant capable de distinguer clairement les personnes concernées et d’éviter des erreurs médicales. 📍 Pour ne manquer aucune actualité de Presse-citron, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.