Quels sont les obstacles à la "guérison" d'une rupture amoureuse?

La rupture amoureuse: une expérience universelle, un cataclysme intime qui laisse des traces profondes. Pour certains, la page se tourne relativement vite, pour d’autres, la douleur persiste, s’enkyste, transformant le deuil amoureux en une épreuve insurmontable. Pourquoi une telle disparité de réactions face à la séparation? Christine Ganneval, psychologue et psychanalyste niçoise, nous aide à appréhender ce sujet complexe. Des fondations émotionnelles fragiles La manière dont une personne s’attache aux autres jouerait selon elle un rôle essentiel. "Celles qui présentent un attachement anxieux, souvent lié à une peur de l’abandon ou du rejet, peinent à se détacher, même lorsque la relation est problématique. Elles ont tendance à idéaliser leur partenaire et à rechercher sans cesse des preuves d’amour, ce qui les rend particulièrement vulnérables lors d’une séparation." La mémoire sélective, qui consiste à embellir le passé et à ne retenir que les bons moments, peut également entraver le processus de guérison. "Cette idéalisation de la relation empêche de voir la réalité en face." D’autres facteurs de vulnérabilité entrent aussi en jeu, comme la construction de l’identité autour du couple. "Certaines personnes fondent une grande partie de leur identité sur leur relation, au point que leurs valeurs, leurs projets et même leur estime de soi dépendent fortement de la présence de l’autre." L’isolement social, la dépendance aux habitudes ou encore les traumatismes passés peuvent également rendre le deuil amoureux particulièrement difficile. Des erreurs qui nourrissent la douleur Après une rupture, certaines attitudes, parfois adoptées sans s’en rendre compte, freineraient la guérison et prolongeraient la souffrance. "Ressasser le passé en repassant sans cesse chaque détail de la relation est l’une des erreurs les plus courantes. Si se remémorer certains souvenirs est naturel, s’y attarder trop longtemps finit par alimenter les regrets et empêche d’avancer." À cela s’ajoute parfois la tentation de se lancer dans des relations pansements, dans l’espoir d’oublier son ex. " Ces liaisons impulsives n’apportent généralement pas le réconfort espéré et risquent même d’ouvrir de nouvelles blessures, sans permettre de faire le deuil de la relation précédente", met en garde la psychologue. Certaines personnes, après une rupture, refusent d’affronter leurs émotions et cherchent à éviter la douleur en refoulant leurs sentiments. "Pour ne pas ressentir de la tristesse ou de la colère, elles s’efforcent de se distraire en permanence, multipliant les sorties ou les activités, sans jamais prendre le temps de s’écouter réellement. Or, cette fuite en avant peut s’avérer contre-productive, voire délétère. En évitant d’accueillir et de traiter leurs émotions, ces personnes risquent de prolonger leur souffrance." Ainsi, les sentiments refoulés ne disparaissent pas, mais restent enfouis et peuvent ressurgir. Enfin, il arrive que l’on prenne des décisions impulsives sous le coup de l’émotion, comme déménager soudainement ou changer de travail. "Même si l’envie de tout changer peut sembler libératrice, ces choix précipités ajoutent souvent du stress et retardent la véritable guérison." Le danger des réseaux sociaux Après une séparation, il devient très facile – et parfois impératif – de s’informer sur la vie de son ex à travers ses publications, ses stories ou ses nouvelles photos. Cette surveillance discrète, appelée " stalking ", peut rapidement devenir une habitude toxique. et entraver le travail de guérison. "Chaque image, chaque commentaire ou chaque nouveau contact de son ex peut raviver la douleur, alimenter la jalousie ou susciter des interrogations sans fin." On se surprend à analyser les moindres détails, à imaginer des scénarios et à comparer sa propre situation à celle que l’autre affiche en ligne, ce qui ne fait qu’accentuer le sentiment de manque ou d’insécurité. "Le problème, c’est que les réseaux sociaux donnent souvent une image idéalisée et partielle de la réalité. Voir son ex s’afficher souriant ou entouré de nouvelles personnes peut donner l’illusion qu’il ou elle a tourné la page sans difficulté, ce qui renforce la souffrance et l’impression d’être laissé pour compte." Cette exposition constante empêche de prendre la distance nécessaire pour faire son deuil : "Le lien émotionnel reste entretenu, la blessure ne se referme pas, et l’esprit reste prisonnier du passé." Christine Ganneval, psychologue et psychanalyste niçoise.