Sur une scène de Los Angeles, entourés de quelques centaines de curieux, deux étudiants en tenue de Formule 1 se lancent des regards de tueurs autour d'un microscope surmonté d'écrans géants, pour un défi loufoque: une course de spermatozoïdes. Cette idée insolite a germé dans l'esprit d'Eric Zhu, un jeune entrepreneur tech qui a levé plus d'un million de dollars pour organiser l'événement afin de sensibiliser au déclin de la fertilité chez les hommes, le tout dans une ambiance qui s'approche du masculinisme. Ce lycéen de 17 ans s'est inspiré d'"un meme très populaire qui montre qu'au cours des 50 dernières années, le nombre de spermatozoïdes a diminué de moitié" parmi les hommes, raconte-t-il à l'AFP. Selon lui, "il pourrait y avoir un avenir dystopique où personne ne pourrait plus avoir d'enfants". D'où sa volonté d'organiser un événement où la "santé devient compétition" -- et qui n'évoque pas les questions des effets de la pollution. Dopée à la testostérone, cette soirée retransmise en ligne s'est tenu vendredi, à mi-chemin entre le kitsch du catch et l'exubérance des arts martiaux mixtes (MMA). Les deux têtes d'affiches, Asher Proeger et Tristan Milker, sont membres d'universités rivales. Ils s'invectivent copieusement à la pesée et se bousculent, tout en distillant leurs astuces d'entraînement pour améliorer la qualité du sperme - dormir huit heures par nuit, éviter l'alcool et le cannabis. "Je n'ai rien appris que je ne savais pas déjà", lâche Alberto Avila-Baca, un étudiant de 22 ans un brin sceptique. - Blagues potaches - Le moment fatidique enfin venu, un jeune homme en blouse blanche introduit la semence des deux compétiteurs - collectée un peu avant l'événement - dans un microcanal. Le parcours d'à peine 2 millimètres est grossi 100 fois par un microscope, puis filmé par une caméra dont les images sont supposément traitées par un ordinateur qui conçoit une animation 3D, afin que le public puisse voir quel spermatozoïde franchit la ligne en premier. Sous ce vernis scientifique, la soirée est surtout l'occasion de faire des blagues potaches. Les présentateurs parlent de "Spermule 1", demandent aux jeunes femmes présentent si elles sont encore vierges et questionnent les concurrents sur la taille de leur pénis. A la fin, Asher, le perdant, est aspergé d'un liquide blanc visqueux, comme s'il se faisait éjaculer dessus. Simple humour adolescent, ou mise en scène masculiniste subliminale? En ligne, de nombreux influenceurs parlent de fertilité masculine pour défendre une idéologie pro-nataliste. Elon Musk, patron de Tesla et proche allié de Donald Trump, est notoirement persuadé que le déclin démographique menace la civilisation. - Les produits chimiques, oubliés - "Je n'ai rien à voir avec ça, je ne suis pas du genre Elon Musk,", assure Eric Zhu, l'organisateur, qui jure parler simplement de santé. "C'est votre choix de vous coucher plus tôt. C'est votre choix d'arrêter de prendre des drogues. C'est votre choix de manger plus sainement, et toutes ces choses ont un impact significatif sur votre motilité", la capacité des spermatozoïdes à se déplacer, insiste-t-il. Un discours très axé sur les facteurs personnels susceptibles d'influencer la fertilité, qui oublie complètement l'influence néfaste de nombreux produits chimiques. Sur scène, personne n'évoque les effets indésirables des pesticides ou de plastifiants comme les bisphénols, présents dans beaucoup de boîtes de conserve, ou les phtalates, contenus dans de nombreux shampoings. "Leur prolifération est une explication probable d'une bonne partie du déclin de la qualité du sperme masculin", rappelle à l'AFP Shanna Swan, épidémiologiste de la reproduction à l'Ecole de médecine du Mont Sinai, à New York. La scientifique fait partie de l'équipe qui a montré que la concentration moyenne de spermatozoïdes des hommes occidentaux a chuté de plus de 50% depuis les années 1970, dans une étude retentissante publiée en 2017. Pour elle, les gouvernements doivent adopter des réglementations environnementales plus strictes. "Si la charge croissante des produits chimiques actifs sur le système hormonal reste incontrôlée, la fertilité et la santé reproductive continueront de décliner au point qu'un nombre croissant de couples devront recourir aux techniques de procréation assistée pour concevoir", avertit-elle.