Il aimait les arts et écrivait des chansons d’amour. Pierre Ier, dit " Mauclerc " a régné 23 ans sur la Bretagne
En langue d’oïl, au Moyen Âge, un clerc était un lettré, souvent un religieux et si Pierre de Dreux, qui dirigea la Bretagne au début du XIIIe siècle, a hérité du surnom de « Mauclerc », le « mauvais clerc », ce n’est pas pour la qualité de ses poésies, mais pour ses rapports très tendus avec l’Église. Il avait, en effet, étudié la théologie dans les écoles de Paris, avant de renoncer à une carrière ecclésiastique, renoncement qui lui aurait valu ce surnom. Rien ne prédestinait d’ailleurs cet aristocrate, né à Dourdan, dans l’Essonne, vers 1187, et issu de la dynastie des Capétiens, à tenir les premiers rôles dans une péninsule qui avait été dans l’orbite des rois d’Angleterre au XIIe siècle. L’assassinat d’Arthur Ier, à Rouen, en Normandie, par son oncle Jean-sans-Terre, change la donne et rapproche la Bretagne du royaume de France. Le roi Philippe Auguste protège alors l’héritière du duché, Alix. Cette dernière, à l’âge de 12 ans, est mariée à Pierre de Dreux, en 1214. Baillistre de Bretagne Parrainée par Philippe Auguste, cette alliance entre la jeune duchesse et le prince français vise à arrimer la turbulente péninsule au royaume de France et à contrer durablement l’influence des Plantagenêt. De fait, toujours en 1214, Pierre de Dreux défait l’armée anglaise de Jean-sans-Terre qui menaçait Nantes. Proclamé « baillistre », c’est-à-dire régent ou tuteur, il prend le nom de Pierre Ier de Bretagne. C’est lui qui introduit les hermines dans l’héraldique du duché. Très vite, il s’attaque aux puissantes familles aristocratiques bretonnes, particulièrement à Henri d’Avaugour, auquel il ne laisse que le Goëlo, et au comte de Léon. En 1216, il occupe ainsi Lesneven (29). Dans son effort d’étendre le pouvoir et le domaine ducal, il s’affronte aussi à l’Église, confisquant des terres et réformant certains impôts. Cela lui vaut d’être excommunié, en 1218 et de cultiver sa réputation de « Mauclerc ». Il récupère aussi la seigneurie de Ploërmel (56) et fait construire le château de Saint-Aubin-du-Cormier (35), afin de contrôler les pays de Rennes et Vitré (35). Un rebelle très indépendant Après la mort de sa femme, en 1221, il devient le tuteur de son fils Jean et continue son rôle de baillistre. Il espère ensuite obtenir la main de Jeanne de Flandre, mais le roi de France Louis VIII voit d’un mauvais œil une alliance entre ces deux puissants aristocrates. Il s’y oppose, ce qui détache Pierre de Dreux de l’orbite française. Il intrigue à plusieurs reprises contre la régente, Blanche de Castille après la mort de Louis VIII, en 1226. Il se rapproche ensuite des Anglais. L’armée d’Henri III d’Angleterre débarque ainsi à Saint-Malo (35), en mai 1230, mais l’expédition se révèle ruineuse et inefficace. En 1231, pour se venger, le roi de France lève une armée contre la Bretagne, mais Mauclerc tombe sur son arrière-garde et bloque l’offensive. Une trêve est signée pour trois ans. En 1234, Pierre de Dreux rentre dans le rang et apaise ses relations avec Louis IX, le futur Saint-Louis. En revanche, le roi d’Angleterre lui confisque le riche Honneur de Richmond. Un mauvais clerc en croisade Sa mauvaise réputation auprès des autorités religieuses n’a pas empêché Pierre Mauclerc de prendre part à plusieurs « guerres saintes ». En 1218, il participe à la croisade des Albigeois, dans le Languedoc, contre les Cathares. En 1236, il est qualifié de « croisé » dans une bulle pontificale. À la majorité de son fils, devenu Jean Ier de Bretagne, Mauclerc se fait désormais appeler « Pierre de Braine ». En 1239, il embarque pour la Palestine, où il se distingue dans un combat à Jaffa. En 1248-1250, durant la septième croisade, lancée par Louis IX, il se mesure dans de violents combats, en Égypte. Il est fait prisonnier quelques mois. Libéré, il décède sur le navire qui le reconduit en Europe. Il est enterré à l’église Saint-Yved de Braine, dans l’Aisne, la nécropole de la famille de Dreux. Sur son tombeau, on pouvait lire : « Ici a voulu placer son tombeau Pierre comte de Bretagne, la fleur des comtes le premier des grands, libéral, magnanime, qui, par son audace, a fait de grandes choses ». Un prince poète et sensible à l’art Les princes du Moyen Âge étaient parfois de fins lettrés, ce qui semble avoir été le cas de Pierre Mauclerc. Destiné à la prêtrise, il avait suivi de solides études à Paris, dans sa jeunesse. En s’attaquant aux aristocrates et aux privilèges de l’Église, Pierre Mauclerc a renforcé l’autorité ducale sur la péninsule et modernisé ses institutions, jetant les bases de l’État breton médiéval. Il s’est aussi intéressé aux arts et aux lettres. Plusieurs de ses œuvres littéraires nous sont ainsi parvenues, d’autres ont disparu… Si « Les Proverbes au conte de Bretagne » et « Le Jeu de Marcol et de Salomon » sont d’auteurs inconnus, et non de Pierre de Dreux, on peut, en revanche, lui attribuer plusieurs chansons d’amour. Ces quatre textes semblent adressés à la même personne. Il lui écrit : « Je ferai une chanson nouvelle, puisque amour me le permet, je la ferai en l’honneur de la plus belle qui soit au monde, mais je ne désire pas qu’on la chante, car sa vertu est trop haute, et je n’ose envers elle autre chose que lui crier merci doucement en plorant… » L’historien Arthur de la Borderie qualifiait sa poésie de « un peu recherchée peut-être, mais pleine de grâce dans la forme et d’un sentiment touchant, tout à la fois vif et attendri ». Newsletters Culture et Loisirs Le vendredi à 8h Adresse e-mail Nos autres newsletters