C’était un garçon "réservé, gentil, volontaire, bienveillant". ll faisait preuve "de force, de résilience", suscitait "tellement d’espoirs et d’ambitions". Ainsi ses anciens profs rendent-ils hommage à William Niarquin, fauché à trottinette sur la Prom’ à l’âge de 21 ans. Surtout, cet étudiant niçois était d’un naturel prudent. "Plus sérieux que lui, ça n’existe pas!" Jean-Christophe Niarquin dit son incompréhension, autant que sa désolation, jeudi soir, devant le tribunal correctionnel de Nice. Son fils cadet lui a été arraché le 23 octobre 2023 vers 20h, à la hauteur du 359 promenade des Anglais, près du parc Phœnix et de son école Epitech. Il traversait la chaussée sud sur un passage protégé. Le feu piéton était rouge à l’instant où une Volkswagen Polo grise l’a percuté à 89km/h. "À cet endroit, la vitesse est limitée à 50", rappelle la présidente du tribunal, Isabelle Demarbaix-Joando. William a été projeté quarante-huit mètres plus loin. Il en a fallu quatre-vingt-quatorze à Suleyman Gezici pour s’arrêter. Il a déclaré rouler à 45km/h. "Je n’ai rien vu. C’est pourquoi je n’ai pas freiné tout de suite", plaide l’automobiliste à la barre. Un père digne et indigné Pas d’alcool. Pas de stups. Pas d’antécédent judiciaire. Ce touriste grenoblois n’avait pas le profil d’un grand délinquant routier. Pour lui, le feu était vert. Mais il n’a pas su maîtriser son véhicule. La justice lui reproche un "homicide volontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence". "Monsieur roule très, très vite, relève Jean-Christophe Niarquin, aussi digne qu’indigné. Il ne roule pas droit, mais de la droite vers la gauche. Et en plus, monsieur joue les Fangio! Deux jours après qu’on enterre mon fils, il se refait attraper en excès de vitesse. Apparemment, ça ne lui a pas servi de leçon..." Trois semaines après le drame, Suleyman Gezici a en effet été de nouveau interpellé. Pas de victime cette fois-ci. Mais un contrôle judiciaire violé, et plus de trois mois de détention à la clé. "Comment expliquez-vous un tel comportement?, gronde la présidente. Vous banalisez à ce point les faits? Il n’y a rien qui vous empêche de dormir?" Le prévenu répond à peine. Il semble détaché, presque absent. "La justice passe, la douleur reste" L’accident s’est produit à la hauteur du 359 promenade des Anglais, un secteur très accidentogène. Photo d’illustration Christophe Cirone. La famille de William, elle, est bien présente. Pour elle, "la justice va passer, la douleur va rester", prévient Me Philippe Barthélémy. La faute au destin? "Ce serait un peu réducteur, objecte l’avocat des parties civiles. L’expert le dit: s’il avait roulé à 50, le jeune homme aurait eu le temps de traverser. Ça a tenu à 10km/h et à quelques mètres..." "On ne peut pas parler de la faute à pas de chance", appuie le procureur Christophe Tricoche. Certes, le feu piéton était rouge. "Mais la victime ne pouvait pas s’attendre à ce qu’on lui fonce dessus à 90km/h!" Le procureur requiert 3 ans de prison, dont moitié ferme, avec mandat de dépôt. Pas question d’envisager un partage des responsabilités. Peine "dérisoire", mais... Suleyman Gezici lui-même ne le plaide pas. "Par respect pour la victime", précise son conseil. Me Margaux Larabi décrit un homme traumatisé, "qui a mis du temps à réaliser". Il finit par sortir de sa réserve, dans un acte de contrition assez maladroit: "Je m’excuse auprès de la famille. C’est comme si j’avais perdu mon fils..." Le tribunal s’en tient à 2 ans de prison avec sursis probatoire, avec annulation du permis de conduire et interdiction de le repasser. Une peine "dérisoire" aux yeux des proches de William, convient la présidente, mais conforme à la jurisprudence. Elle cite Charles Péguy pour apaiser leur peine: "Votre fils William est dans la pièce d’à côté." Mais ses derniers mots sont une mise en garde au condamné: "J’espère que vous avez compris. Et que vous avez compris que vous ne pouvez plus conduire."