Les vacances de Pâques commencent ce week-end en Belgique. Elles seront sans doute les bienvenues pour des enseignants sous pression, fatigués par les tensions communautaires qui gagnent les écoles belges. L'enseignement et la commémoration de la Shoah sont devenus problématiques en Belgique, à cause de la situation au Proche-Orient. Ces derniers mois, les incidents se sont multipliés. Une scène, parmi d’autres, résume le climat : un rescapé des rafles en Belgique, qui a perdu une partie de sa famille dans les camps nazis, vient dans un lycée bruxellois pour témoigner de son histoire. Il est interrompu par deux adolescentes de confession musulmane, qui affirment à propos de la situation à Gaza : "C'est un génocide et ça se passe depuis 75 ans", transformant la séance en débat animé sur le conflit israélo-palestinien. Autre exemple récent, toujours dans l’agglomération de Bruxelles, sur la commune d’Anderlecht cette fois, lors d'une cérémonie pour dévoiler non pas des plaques commémoratives, comme on en pose en France sur des écoles ou des maisons où ont vécues des victimes de la barbarie nazie, mais des petits carrés de laiton fixés sur le sol des trottoirs : des petits "pavés de mémoire", comme les appellent les Belges, sur lesquels figurent les noms des victimes et quelques informations sur ce qui leur est arrivé. Il est de tradition que des écoliers participent aux cérémonies organisées, lorsque de nouveaux pavés sont inaugurés. À Anderlecht, ce sont des parents d’élèves de deux écoles qui ont refusé que leurs enfants y participent, provoquant d’importantes tensions avec leurs directrices, qui ont finalement renoncé à faire participer leurs élèves. Climat de plus en plus tendu Pour l'association pour la mémoire de la Shoah, qui supervise en Belgique la pose de ces petits "pavés de mémoire", c’est du jamais-vu. Les écoles qui refusent de participer disent craindre des "débordements" ; certaines ont même annulé des visites scolaires parfois prévues de longue date au Musée juif de Bruxelles. Cette tendance interpelle, dans un pays qui fait beaucoup, depuis longtemps, pour transmettre la mémoire de l’Holocauste. Le sujet est obligatoirement abordé dans les programmes scolaires, et dès l’école primaire, des visites sont organisées sur des lieux de déportation : le Fort de Breendonk, près d’Anvers, ou encore la caserne Dossin à Malines. C'est dire à quel point les crispations actuelles déconcertent un pays tout entier, à commencer par ses enseignants, bien démunis pour faire face à ces tensions grandissantes avec certains de leurs élèves, mais aussi leurs parents.