Autrefois l'un des pays les plus sûrs d'Amérique latine, l'Equateur traverse désormais une grave crise sécuritaire. Les narcotrafiquants l'ont ciblé comme point de passage clé pour l'exportation de la cocaïne, créant une atmosphère de peur généralisée. En 2018, avant la vague de narco-criminalité, le taux d'homicides en Equateur, un pays de 18 millions d'habitants, était de 6 pour 100'000 habitants. L'année dernière, ce taux a été multiplié par six. Le pays connaît dorénavant une violence extrême, avec une personne tuée chaque heure. Depuis 2023, la guerre entre cartels a entraîné l'assassinat d'un candidat à la présidence, la prise de contrôle de prisons par des groupes criminels et une attaque armée contre une chaîne de télévision. Régis Dandoy, professeur de politique comparée à l'université San Francisco de Quito, a expliqué cette semaine dans l'émission Tout un monde qu'en quatre ans, il a vu la situation se dégrader. Une quinzaine de bandes criminelles se disputent le territoire, s'affrontent et engagent des tueurs Régis Dandoy, professeur de politique comparée à l'université San Francisco de Quito "En quelques années, le narcotrafic a véritablement envahi le pays. Auparavant, seules les zones frontalières avec la Colombie et le Pérou étaient préoccupantes. Maintenant, les routes, notamment celles de la cocaïne, traversent directement l'Equateur", affirme-t-il. Selon lui, toutes les catégories de population et toutes les régions de la côte équatorienne sont concernées: "Une quinzaine de bandes criminelles se disputent le territoire, s'affrontent et engagent des tueurs", ce qui entraîne une violence et une insécurité accrues. Toutefois, la capitale est encore relativement épargnée par cette montée de la criminalité. La peur s'installe, les habitants n'osent plus sortir Maura (prénom d'emprunt pour des raisons de sécurité) œuvre pour une ONG locale et vit dans un village de pêcheurs au nord de Guayaquil, ville désormais épicentre du trafic de drogue. Selon elle, autrefois, la contrebande de liqueurs et de marchandises était courante, mais sans violence. Elle décrit comment la vie de la région a été bouleversée par la violence liée au narcotrafic: "J'ai entendu parler de fusillades dans le lycée voisin, de la disparition de certaines personnes, du père d'un des enfants qui s'est fait tirer dessus sur la plage. Des choses comme ça, jamais auparavant cela n’était arrivé." Le pays est devenu l'un des plus dangereux du continent en partie parce que la Colombie, en renforçant ses mesures de sécurité, a vu sa criminalité se déplacer vers l'Equateur. De plus, une crise économique persistante depuis 2015 et des crises politiques répétées ont affaibli ses institutions, le rendant vulnérable au narcotrafic. Le pays manque donc de capacité pour réagir efficacement. Les ambitions sécuritaires du président réélu Le président Daniel Noboa, héritier d’un magnat de la banane, incarne l'élite politique équatorienne issue du monde de l’entreprise. Il prône une ligne dure en matière de sécurité, notamment par l’envoi de militaires dans les rues et les prisons. Des organisations de défense des droits humains critiquent cette politique. Mais la victoire électorale de Daniel Noboa renforce sa détermination à appliquer des mesures sécuritaires strictes. L'appel à des mercenaires privés pourrait se renforcer, comme on l'a vu ces dernières semaines dans les rues des principales villes du pays Gaspard Estrada, politologue à la London School of Economics Selon Gaspard Estrada, politologue à la London School of Economics, le président, réélu le 13 avril dernier, prévoit un renforcement des prérogatives des forces de police et des armées. "L'état de siège, décrété à plusieurs reprises ces derniers mois, tend à être reproduit. L'appel à des mercenaires privés pourrait se renforcer, comme on l'a vu ces dernières semaines dans les rues des principales villes du pays, spécifiquement à Guayaquil", affirme-t-il. Le politologue souligne que l'acceptation par l'Etat équatorien de mercenaires étrangers soulève des questions de souveraineté et de respect des droits de l'homme. Sujet radio: Marie Giovanola Adaptation web: Miroslav Mares