Claquettes chaussettes, mélancolie festive et amoureux de l’OM… Comment Jul a réussi à conquérir Paris ?
Le soir du samedi 26 avril, le Stade de France devrait être bleu et blanc. Cauchemar des supporters du PSG, les fans du rappeur Jul et de l’Olympique de Marseille risquent d’envahir la capitale. « Normalement je ne porte jamais mon maillot de l’OM en ville », avoue Valentin, « mais pour le concert je ne vais pas me gêner. C’est l’occasion de se retrouver entre Marseillais dans la capitale ». Dans ses textes, celui que l’on appelle l’ovni ne cesse de clamer son amour pour la ville du sud. Dans Alors la zone il chante « Marseille ma ville, je l’aime à mort ». Ironie du sort, pendant son concert parisien, nombreux sont les fans qui vont reprendre ses paroles… Alors qu’ils ne sont pas Marseillais. « J’oublie complètement d’où il vient » sourit Marine, « quand on chante Bande Organisée on hurle même « C’est pas la capitale, c’est Marseille bébé ». En fait c’est le rythme de sa musique que l’on aime »… De Marseille à Paris, les préoccupations sont les mêmes Depuis 2014 et la sortie de ses premiers titres, le rappeur marseillais a réussi à s’affranchir de son image de sudiste pour toucher un public plus large. « Sa musique, dès le début, n’a pas seulement été écoutée à Marseille, mais dans tous les quartiers populaires de France, y compris en Île-de-France. Jul a toujours dit vouloir rapper le quotidien de tous les « jeunes de cité » » explique la critique spécialiste du rap Emmanuelle Carinos, « quand on écoute des titres comme Mauvaise journée ou Comme les gens d’ici, on voit à quel point il arrive aussi à exprimer une compassion avec tous les gens qui galèrent. Un collègue décrivait sa musique comme du « rap de meilleur ami » : c’est vrai, on peut écouter Jul seul.e dans sa chambre, parce qu’il raconte une tristesse, ou des sentiments que tout le monde peut vivre. » juge la spécialiste. Avec plus de vingt albums au compteur dont des projets gratuits, Jul fait partie du patrimoine artistique français. En 2024, l’homme était le chanteur le plus écouté sur Deezer en France. Pour Benjamin Valbon, créateur de contenus dans le domaine de la musique, le grand point fort du J (c’est aussi son surnom), c’est son envie de créer des ponts entre Marseille et le reste du pays. « Il n’est pas excluant dans sa musique, tout le monde peut l’écouter. Sans oublier que le rappeur est un peu dans le cliché de la bonhomie et du bon gars humble. Ça plaît aujourd’hui. Quand on voit des images de lui, il est soit en train de bosser soit en train de faire sa vie ». Souvenez-vous en 2019, Jul s’est mis en scène pour une campagne promotionnelle avec des Twingo, la voiture populaire par excellence, comme la musique de l’ovni. Mais attention, Emmanuel Carinos met en garde sur la création d’un raccourci entre le rappeur et le Sud. « L’idée de culture sudiste, avec l’idée que le rap de Jul, comme la pétanque, le pastis et la mer serait constitutif de la carte postale que l’on se fait, quand on n’habite pas à Marseille. Cette perception fétichiste de Marseille par certains Parisiens n’est pas celle qui transparaît de la musique de Jul. S’il y a un aspect très marseillais dans ses titres, c’est dans l’héritage avec le rap phocéen des années 2000. Il rappe la rue de manière réaliste. Il a ce talent pour exprimer la mélancolie dansée, la mélancolie festive qu’on pourrait dire caractéristique du rap marseillais. On peut faire la fête comme pleurer sur ces titres. » L’ovni de l’Europe A en croire les spécialistes, l’ovni aurait pris son envol hors de ses terres en imposant son propre style. « Jul a aussi créé un genre de rap, « le rap Marseille » qui est un mélange de rap de quartier et de sonorités dansantes que l’on retrouve dans toutes les musiques du bassin méditerranéen notamment. » explique Narjes Bahhar, responsable éditoriale rap et R’n’B France chez Deezer. « C’est hyper rafraîchissant comparé aux autres rappeurs. Il mélange rap, autotune, raï ce qui permet de toucher plus de personnes. Le chanteur fait de la musique festive et dansante » analyse Benjamin Valbon. « Aujourd’hui on parle même de « type beat Jul » et ce style inspire dans toute l’Europe. » ajoute la boss du rap chez Deezer. L’Italien Rhove cartonne et participe au renouveau du rap chez nos voisins. La cause ? L’explosion des productions aux BPM plus rapides. Les sons ont gagné en fluidité. Et pour cela, ils peuvent remercier… Jul ! La recette magique de ce style, c’est la critique spécialiste du rap Emmanuelle Carinos qui en parle le mieux, « les samples choisis sont parfois inspirés de genres dansants ou très connus comme Barbie Girl, ses refrains reprennent souvent des expressions répandues, des onomatopées, des mélodies simples, parfois même régressives comme dans le cas de reprises de comptines. » Signe que le rap de Jul touche au-delà du sud du pays, ses concerts au Stade de France et au Vélodrome se sont remplis en quelques minutes. Pour faire plaisir à ses fans, le show parisien de ce samedi sera diffusé en livestream dès 20h45 sur la plate-forme live.doretdeplatineshop.com. Comme dirait Jul lui-même, il gère sans carrière « en Y ».