Lundi matin. 9 heures. Dans le sous-sol d’une tour du quartier d’affaires de Nanterre, une salle de réunion aux murs blancs et verts. Au milieu de la pièce, quatre tables et 14 personnes assises les unes en face des autres. Toutes travaillent chez Axa mais elles sont aujourd’hui là pour autre raison : devenir secouristes en santé mentale. L’idée de la formation de Premiers secours en santé mentale (PSSM) n’est pas de venir en aide aux personnes faisant un arrêt cardiaque, s’étouffant ou se brûlant mais à des proches ou des collègues vivant une crise suicidaire, psychotique, un trouble panique ou une dépression. Dès les premières heures, ils (enfin… elles, il n’y a que trois hommes pour onze femmes) ont beaucoup de questions. « Comment différencier une déprime d’une dépression ? », « C’est quoi une phase maniaque dans le trouble bipolaire ? », « Peut-on faire quelque chose si une personne a vraiment l’intention de se suicider ? » Pascale a deux jours pour les former et les convaincre de leur rôle crucial. « Si ça va, vous faites un pouce en l’air » « Notre but, en tant que secouriste, c’est d’être capable de détecter des signaux et d’encourager la personne à en parler », rappelle la formatrice en PSSM. En parler à des médecins généralistes, psychiatres ou psychologues. « On peut aussi aller voir des ostéos spécialisés dans la santé mentale », ajoute une jeune participante. Lundi matin, il y a encore du boulot. Un acronyme sera répété en boucle pendant les deux jours de formation : AERER. Un résumé de la mission des secouristes : Approcher la personne, évaluer la situation et l’assister en cas de crise (psychotique ou suicidaire notamment). Puis l’Ecouter sans jugement, la Réconforter, l’informer, l’Encourager à aller voir un professionnel de la santé mentale et la Renseigner sur les autres ressources possibles. Pour intégrer ce concept, les exercices et jeux de rôle s’enchaînent. « Je sélectionne pas mal de cas d’entreprise mais les gens repartent aussi avec des clés pour leur vie perso », assure Pascale. La formatrice vérifie régulièrement que tous les participants se sentent bien. « Si ça va, vous faites un pouce en l’air, si non, vers le bas, mais pas de pouce en bas si vous avez seulement faim hein ! » « Avoir les bons mots et les bons gestes » Rémy, 28 ans, dont la mère a été diagnostiquée d’un trouble bipolaire il y a cinq ans, avait hâte de faire cette formation. « Cela pourrait notamment me permettre de l’aider à accepter qu’elle ait besoin d’aide et à lui montrer que je ne suis pas dans le jugement. J’aimerais aussi savoir à quel moment déléguer à un professionnel. » A côté de Rémy pendant la pause clope, sa collègue Estelle abonde : « J’ai déjà eu des collègues qui n’allaient pas bien mais je n’osais pas en parler avec eux de peur qu’ils se braquent. Cette formation me permettra d’avoir les bons mots et les bons gestes. » Sur les 14 personnes en formation, trois sont déjà secouristes du travail. Les PSSM sont « complémentaires » selon Cécile, qui va bientôt fêter ses vingt ans de boîte. « En tant que manager, ça me semble vraiment primordial de la faire. Je vais d’ailleurs pousser mes collaborateurs à la faire. » Un objectif de 750.000 secouristes en 2030 Si la formation de ce lundi est destinée aux salariés d’Axa, tout citoyen peut en bénéficier, moyennant un prix conseillé de 250 euros, chaque formateur fixant son prix. Depuis 2019, 195.000 personnes sont désormais secouristes en France. « On vise 1 % de la population formée d’ici à 2030, soit 750.000 personnes », annonce Caroline Jeanpierre, directrice de PSSM France. Comme constatée lors de la journée chez Axa, près de 80 % des secouristes sont des femmes. « Une bonne partie vient du milieu sanitaire et social mais notre objectif c’est vraiment de former tout le monde. » Car, Pascale le rappelle lors de sa formation, chaque personne est concernée. « Des gens déprimés, on en croise tous les jours », confirme Cécile. A la fin de la première journée, petit tour de table : que des pouces en l’air.