La créatine aiderait le cerveau à mieux fonctionner pendant une dépression, en lui fournissant le petit «surplus» d’énergie dont il a alors besoin pour jouer son rôle, estime un chercheur de l’Université d’Ottawa qui s’est penché sur la question. «Lors d’une dépression, nous appelons cela une période de demande métabolique accrue, a expliqué le docteur Nicholas Fabiano. Le corps est donc plus sollicité. Votre cerveau doit travailler plus dur pour fonctionner comme il le ferait normalement.» C’est un peu comme ce qui se passe quand on manque de sommeil, a-t-il précisé: la concentration devient plus difficile, et tout le reste aussi. Environ 95 % de la créatine prise sous forme de complément alimentaire est entreposée dans les muscles, d’où sa popularité auprès des sportifs qui l’utilisent pour pouvoir fournir un effort plus soutenu. Le 5 % restant est plutôt stocké dans le foie, les reins et le cerveau. Ce dernier, même s’il ne représente que 2 % de la masse corporelle, monopolise environ 20 % de l’énergie utilisée au repos. «C’est une sorte de raccourci pour vous aider à mieux fonctionner, a dit le docteur Fabiano. Elle ne va pas guérir la dépression, mais elle peut aider à pallier ce déficit énergétique.» Le processus naturel par lequel le corps produit son énergie porte un nom qui garantit la victoire au Scrabble, la phosphorylation oxydative. Mais lors d’une dépression ou en cas de pénurie de sommeil, a poursuivi le chercheur, «votre corps ne le fait pas aussi efficacement». Si la dépression ou le manque de sommeil se prolongent, a dit le docteur Fabiano, «les réserves de créatine du cerveau pourront s’épuiser, et c’est là que les compléments alimentaires entrent en jeu». «La créatine provient de notre alimentation, a-t-il rappelé. On en trouve dans la viande rouge et le poisson, mais il faut en manger beaucoup pour obtenir la même quantité que ce qu’on retrouve sous forme de complément.» Par exemple, a ajouté le docteur Fabiano, il faudrait manger environ 1,5 kilo de viande rouge pour obtenir cinq milligrammes de créatine, soit la quantité contenue dans une petite cuillérée de créatine en poudre. Ce n’est pas réaliste, a-t-il estimé, à moins d’adopter une alimentation entièrement carnivore. Une étude publiée en 2020 a trouvé une association entre la quantité de créatine dans l’alimentation et le risque de dépression, surtout chez les femmes et surtout chez les individus âgés entre 20 et 39 ans. Ainsi, le risque de dépression des individus qui consommaient le moins de créatine était 42 % plus élevé que celui des individus qui en consommaient le plus. La plupart des études ont examiné l’impact d’un complément de cinq milligrammes de créatine par jour, a souligné le docteur Fabiano, essentiellement parce que c’est la quantité de tout le monde étudie. «Mais il y a des signaux scientifiques préliminaires selon lesquels une dose plus élevée pourrait être nécessaire pour augmenter la quantité de créatine dans le cerveau, a-t-il dit. Cinq milligrammes sont bons pour les muscles, mais dix milligrammes seraient plus bénéfiques pour le cerveau.» Cette dose plus élevée et de plus longue durée pour obtenir des bienfaits au niveau du cerveau, comparativement aux muscles, découle probablement des mécanismes que la créatine doit emprunter pour franchir la barrière hémato-encéphalique. Et même si des études ont montré que la créatine semble augmenter l’efficacité de certains antidépresseurs, le docteur Fabiano espère que les prochaines porteront sur un complément de dix milligrammes pris chaque jour pendant une plus longue période, idéalement en combinaison avec l’activité physique, et non seulement en combinaison avec la thérapie et/ou les antidépresseurs, pour voir l’impact que ça aura sur la dépression. «Dans l’ensemble, la créatine reste une intervention adjuvante prometteuse pour le traitement de la dépression, qui peut être combinée avec de nombreuses options de première ligne existantes», écrit le docteur Fabiano dans le journal médical European Neuropsychopharmacology. Légende et crédit photo: Il faudrait manger environ 1,5 kilo de viande rouge pour obtenir cinq milligrammes de créatine, soit la quantité contenue dans une petite cuillerée de créatine en poudre, ce qui n’est pas réaliste. Sur la photo, de la viande rouge en vente à Toronto en 2019. LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette