Cliquer pour envoyer un lien par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre) L’ADN continue de bouleverser la généalogie acadienne. Cette semaine, nous faisons revivre une famille qui a été oubliée et nous raccordons plusieurs liens dénoués qui ont jusqu’ici bloqués les chercheurs. Oubliée en partie à cause de noms trop communs, on découvre un nouvel épisode tragique de la Déportation et du «grand dérangement» qui s’en suivit. Cette découverte est redevable à Whitley Calloway, de Rushton en Louisiane. Croyant descendre de l’épouse de Philippe Mius d’Entremont, Madeleine Hélie, elle a été étonnée de découvrir par des résultats d’ADN-mitochondrial* qu’elle ne descendait pas de Madeleine, mais plutôt de Radegonde Lambert, épouse de Jean Blanchard – sur sa ligne maternelle directe. En examinant sa lignée, j’ai rapidement circonscrit le problème à Madeleine Bourg, épouse prétendue de Pierre Babin. Mais des Madeleine Bourg, il y en a plusieurs. Dans l’espace de 43 ans, il y a trois familles Babin dont l’épouse se nomme Madeleine Bourg. Dans notre cas, Bona Arsenault a correctement nommé René comme père de Geneviève Babin (p. 2496), mais il n’en donne pas de suite dans son Histoire et généalogie des Acadiens (1978). Généralement, les auteurs ont cru que «René» était une erreur de notaire en 1768, et ils ont amalgamé ces deux familles. On apprend également – grâce à Denis Beauregard – que l’épouse de René Babin est la même Madeleine Bourg qui, veuve, épouse Pierre Boudrot vers 1754. Affirmation soutenue par une autre lignée ADN-mt étudiée, qui passe par leur fille Céleste Boudrot. Un destin tragique et une lueur d’espoir Le destin de Madeleine Bourg, née le 12 octobre 1716 à Port-Royal, n’est plus inconnu. Madeleine (à Pierre) Bourg épouse vers 1742 René (à Vincent) Babin. Le couple aura au moins 4 enfants: Olivier, Geneviève, Joseph et Anne. René Babin décède probablement vers 1752, laissant Madeleine seule avec ses enfants. Rapidement, elle sera remariée à Pierre Boudrot, aussi fraîchement veuf, de Cécile Vécot. Qui prend mari prend pays: la nouvelle famille s’installe à Port-Lajoie, sur l’île Saint-Jean. Mais, comme il était parfois d’usage à l’époque, les enfants du couple Babin-Bourg demeureront à Pisiguit chez un tuteur de la parenté Babin, peut-on comprendre. Donc déjà, à la veille même de la Déportation, les enfants sont séparés de leur mère. Mais elle demeure encore, relativement, à proximité. En 1755, les enfants Babin de Pisiguit sont rapidement déportés vers le Maryland. L’aîné Olivier a environ 17 ans à la fin de la guerre et il semble s’occuper de son frère et de ses sœurs. Au recensement de Port Tobacco de 1763, la maisonnée compte quatre enfants, qui sont tous décrits comme orphelins. Ils n’ont sûrement pas vu leur mère depuis le début de la guerre huit ans plus tôt. La plus jeune, Anne, n’avait au départ qu’environ 4 ans. Se souvient-elle de sa maman? Savent-ils si elle est toujours vivante? On retrouve ensuite les deux plus vieux, Olivier 22 ans et Geneviève 21 ans, sur la liste des arrivés en Louisiane en 1768. Le 8 avril 1768, Geneviève épouse Joseph Granger à Cabahanocé. Il était natif de Grand-Pré. Mme Calloway est une descendante de ce couple. * * * De leur côté, le trajet de Pierre Boudrot et de Madeleine Bourg pendant la Déportation reste relativement mystérieux. Ils sont à Port-Lajoie (auj. Charlottetown) en 1752. Les Acadiens de l’île ne seront déportés qu’à partir de 1758, quand, certains fuient à La Petite-Rochelle, avant de bientôt revenir sur l’île, selon Georges Arsenault. Après la guerre, ils sortent de leur cachette quand ils sont recensés à Tracadie (Î.-P.-É.) en 1763. Ils ont alors quatre enfants avec eux. Ils quittent ensuite l’île pour se réfugier à Miquelon, selon le recensement de 1767. Ils y seraient arrivés en août 1765, selon Stephen White. Peu après y être énuméré, la famille de Pierre Boudrot et Madeleine Bourg passe en France sur la frégate L’Inconstante. Ils s’installent d’abord à Cherbourg en Normandie, où Pierre décède en 1771. Sa veuve Madeleine et ses enfants se dirigent vers 1773 au Poitou pour rejoindre le projet de défrichement, mais deux ans plus tard, ils retournent en ville, à Nantes en Bretagne. Madeleine Bourg y a été enterrée dans la paroisse Saint-Similien, le 9 décembre 1781. A-t-elle eu des nouvelles de ses enfants louisianais avant sa mort? Difficile de savoir, mais ça reste possible. Sa fille Céleste Boudrot passera à son tour en Louisiane en 1785 à l’âge de 20 ans. Pour elle, ce sera sa première occasion de rencontrer son demi-frère Olivier et sa demi-sœur Geneviève. Si telle rencontre a eu lieu… Les détails de la découverte À en croire la généalogie acceptée, Madeleine Bourg aurait donné naissance à Geneviève Babin alors qu’elle était âgée d’environ 52 ans. Ce n’est pas impossible, mais ça demeure très rare, même avec les techniques modernes. Mais le résultat ADN-mt* constaté vient rectifier le tir. Malgré l’amalgame avec celle de Pierre, la famille de René Babin a laissé des traces qui nous permettent de la reconstituer. Le cas de Geneviève (à René) Babin vient d’ailleurs résoudre trois éléments incomplets ou erronés du Dictionnaire généalogique des familles acadiennes de Stephen White (1999, et Corrections 2011). D’abord, Geneviève Babin est attribuée à la mauvaise famille (Babin no 6 plutôt que 18). Ensuite, on apprend l’identité du couple qui forme la famille «oubliée» no 18 (page 60) «[fils] Babin marié vers 1742 à une épouse inconnue». Ce sont bien les parents de Geneviève. Enfin, en examinant toutes les familles Bourg jusqu’en 1735, seule celle de Élisabeth Broussard et Pierre Bourg (no 15) correspond aux résultats génétiques, comme elle est la seule épouse qui descend de Radegonde Lambert. Et comme si elle nous attendait, ce couple a conçu une fille nommée Madeleine, née le 12 octobre 1716 à Port-Royal, dont la destinée était inconnue jusqu’à ce jour. C’est à dire qu’on on ne lui connaissait ni mari ni décès. Si ce n’était pas assez, en discutant de la situation avec le généalogiste québécois Denis Beauregard, il m’informe avoir de son côté identifié la signature de Céleste Boudrot, fille de Pierre Boudrot et Madeleine Bourg, un couple marié vers 1753. On ignorait toujours qui étaient les parents de cette Madeleine. Avec ces nouveaux résultats, il est maintenant clair que Madeleine, fille de Pierre Bourg (no 15), épouse en premier lieu vers 1742 René Babin (no 18), puis vers 1753 ou 1754, Pierre Boudrot (no 58). * L’ADN-mt – ou mitochondrial – ne se recombine pas et est transmis inchangé d’une mère à ses enfants. La signature «mito» se compare donc à un nom de famille féminin, qui est transmis uniquement par les femmes. Elle permet donc de faire des recoupements fiables. La signature de Radegonde Lambert est X2b4h, alors que celle de Madeleine Hélie est J1c5b2. Michelle Aucoin retrouvée en Vendée aux Sables-d’Olonne! L’adepte californien de Wikitree, Jim Cyr, a retracé cette semaine la famille de Martin Aucoin et Barbe Minguet en 1620 dans la localité de Les-Sables-d’Olonne (dépt de la Vendée). Il y a découvert le baptême de la matriarche acadienne Michelle Aucoin, dans un acte daté du 29 janvier. Après le siège de La Rochelle et l’expulsion des protestants en 1628, la famille du menuisier Martin Aucoin a participé au repeuplement catholique de la ville qui s’en est suivie. On sait maintenant d’où ils arrivaient. Bravo et merci, Jim, pour cette importante découverte!