Jusqu’il y a encore quelques mois, Anatole Renaud n’avait « aucune idée » de ce qu’il voulait faire après le bac. « Ça commençait à me stresser, parce que je n’arrivais pas à me projeter », se souvient ce lycéen de 17 ans, originaire de Sèvremoine, dans le Maine-et-Loire. Comme beaucoup d’adolescents issus d’une zone rurale, Anatole appréhendait son inscription sur Parcoursup, dont la phase d’admission commencera d’ici un mois. Et souffrait, sans le savoir, de ce que certains qualifient de « déterminisme territorial ». Au moment de l’orientation, « la ruralité agit comme un exhausteur d’inégalités », résume Salomé Berlioux, la directrice générale de Rura (ex-Chemins d’avenirs), une association qui accompagne les jeunes ayant grandi hors des grandes villes. À résultats égaux, les élèves issus d’espaces ruraux sont moins nombreux que les urbains dans les filières générales et dans l’enseignement supérieur. « Il y a un système qui joue contre eux », souligne Félix Assouly, le directeur du plaidoyer chez Rura. S’autoriser à rêver Très tôt, les jeunes ruraux doivent choisir entre partir ou rester, 70 % des formations du supérieur étant situées dans les grosses agglomérations. « Là où un ado qui a grandi à Paris ou Lyon va se demander ce qu’il a envie de faire, le jeune rural va d’abord se demander ce qu’il est en capacité de faire », poursuit Félix Assouly. En plus d’un déracinement, cet éloignement implique des coûts supplémentaires pour les familles (loyer, frais de transport, etc.). Soutien scolaire, activités culturelles, voyage à l’étranger… Selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, les jeunes des zones rurales ont significativement moins accès à des opportunités leur permettant d’élargir leurs horizons. Peu informés et peu représentés, ils manquent de modèles inspirants. Face à cette série d’obstacles pratiques et psychologiques, « les jeunes ruraux s’autorisent moins à croire en leur potentiel », observe Félix Assouly. Cette autocensure, Salomé Berlioux l’a vécue de près et en a fait son cheval de bataille. Avec son association Rura, fondée en 2016, elle encourage les jeunes issus d’un milieu rural ou d’une petite ville à s’orienter de manière « la plus éclairée possible ». Interventions dans des lycées, ateliers d‘écriture, entretiens de motivation, sorties culturelles, aide financière… L’accompagnement – entièrement gratuit – proposé par Rura se veut « holistique ». Mentorat et confiance en soi Pierre angulaire du programme de l’association, la relation de mentorat a déjà permis d’accompagner quelque 15 000 jeunes. Le principe ? Rura met en relation les élèves entre la 4e et le bac +3 avec des bénévoles, chargés de les aiguiller. « C’est une relation de compagnonnage où le jeune se sent à l’aise, expose Félix Assouly. Après l’année de mentorat, il y a souvent des binômes qui continuent d’échanger ». Ce contenu est bloqué car vous n'avez pas accepté les cookies et autres traceurs. En cliquant sur « J’accepte », les cookies et autres traceurs seront déposés et vous pourrez visualiser les contenus (plus d'informations). En cliquant sur « J’accepte tous les cookies », vous autorisez des dépôts de cookies et autres traceurs pour le stockage de vos données sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire. Vous gardez la possibilité de retirer votre consentement à tout moment en consultant notre politique de protection des données. Gérer mes choix J'accepte J'accepte tous les cookies C’est le cas d’Anatole et de son mentor, Valérie Bresson. Installée à Birmingham, dans le Michigan, cette maman expatriée, ancienne pharmacienne spécialisée dans le marketing, a rapidement fait le lien entre ses « difficultés à comprendre le système universitaire américain » et « le manque d’information » dont souffrent les jeunes ruraux. Avec elle, Anatole a pu affiner son choix d’orientation – une licence SVT à la fac – mais surtout apprendre à se connaître : « Elle m’a permis de répondre à énormément de questions que je ne me serais jamais posées autrement et m’a montré que si on veut aller à l’autre bout du monde, c’est possible ». Le pari semble aussi réussi du côté de Valérie, « remplie de joie » à la vue du cheminement du jeune garçon. L’expérience a même « déclenché une vocation » chez la quinquagénaire, qui voudrait se former dans l’accompagnement de la jeunesse. Des politiques publiques « inadaptées » Salomé Berlioux en est consciente, ce n’est qu’en s’attaquant « à la racine des inégalités territoriales » que l’on pourra les éradiquer. Plusieurs de ses propositions, réunies dans un rapport remis en 2020 au gouvernement, ont déjà été reprises (permis à 17 ans, les Territoires éducatifs ruraux, sorte d’alliances éducatives au service des jeunes des zones rurales éloignées). Mais on reste, selon elle, « très loin du compte ». Et la dirigeante associative de dénoncer des « politiques publiques hémiplégiques, totalement inadaptées aux enjeux de la ruralité », sachant qu’un tiers des jeunes Français en sont issus. « C’est loin d’être un phénomène à la marge », insiste-t-elle.