L'annonce vendredi par les services allemands du renseignement intérieur de classer « extrémiste de droite » l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) a fait l'effet d'une bombe, avant l'élection mardi par les députés de Friedrich Merz au poste de chancelier de la première puissance européenne. Les défis sont déjà nombreux pour le conservateur de 69 ans, confronté à un chamboulement géopolitique initié par Donald Trump, le réarmement de l'Allemagne face à la Russie de Poutine, la crise industrielle, l'économie en berne, et enfin la réduction de l'immigration. S'ajoute donc désormais à son agenda la question du débat sur l'interdiction de ce parti en plein essor, arrivé deuxième aux élections législatives du 23 février, et qu'il avait lui même qualifié de « menace » de l'intérieur. L'Office de protection de la Constitution a désigné vendredi l'AfD « extrémiste de droite », dénonçant une idéologie qui « dévalorise des groupes entiers de la population en Allemagne et porte atteinte à leur dignité humaine », visant notamment les migrants et les musulmans. Cela n'est « pas compatible avec l'ordre démocratique », écrit-il. Concrètement, les autorités pourront désormais plus facilement utiliser des moyens de surveillance et de contrôle, y compris des communications privées des membres de l'AfD, voire même infiltrer des agents dans leurs rangs. L'AfD « traite les citoyens issus de l'immigration comme des Allemands de seconde zone », a dénoncé la ministre de l'Intérieur sortante Nancy Faeser. Les co-dirigeants de la formation, Alice Weidel et Tino Chrupalla, ont qualifié cette décision de « coup dur pour la démocratie allemande », menaçant de riposter devant les tribunaux. Qui veut interdire l'AfD ? Des politiciens de tous bords réclament de longue date de bannir du paysage politique ce parti fondé en 2013 par d'anciens conservateurs eurosceptiques, mais qui s'est radicalisé au fil des années. Le moment est venu « d'engager rapidement une procédure d'interdiction », a déclaré vendredi l'ancien député CDU Marco Wanderwitz, rejetant sur son compte X toute « tolérance envers les ennemis de la démocratie ». Daniel Günther, un poids lourd du parti conservateur et chef du gouvernement du Schleswig-Holstein (nord) a enfoncé le clou, espérant que la nouvelle classification de l'AfD « permettra de faire prendre conscience à ses électeurs du danger » qu'il représente. Le député SPD Ralf Stegner a aussi plaidé en faveur d'une procédure. « Les démocrates combattront ces ennemis de la démocratie avec tous les moyens et instruments politiques et constitutionnels à leur disposition jusqu'à ce que la menace qui pèse sur notre démocratie libre soit écartée », a-t-il dit au quotidien économique Handelsblatt. Une interdiction est-elle réaliste ? Les pères de la Constitution allemande d'après-guerre ont fixé des conditions très strictes à l'interdiction d'une formation politique, échaudés par l'élimination systématique des partis d'opposition sous l'époque nazie. Seuls deux partis ont été interdits depuis 1945 : le SRP, créé par d'anciens nazis, en 1952, et le Parti communiste ouest-allemand (KPD), en 1956.