Polluants éternels : La plainte d’Eau de Paris contre X, qui vise les industriels, a-t-elle une chance d’aboutir ?
C’est une première en France. Un distributeur d’eau a décidé de se lancer dans la guerre contre les polluants éternels. Le 28 mars, Eau de Paris, régie municipale de la Ville de Paris chargée de gérer l’eau de la Capitale, a déposé plainte contre X, pour pollution de son réseau potable aux fameux PFAS, ces molécules nocives pour la santé présentent dans les casseroles, les cosmétiques ou encore dans les vêtements. Un élément de plus dans un dossier qui grossit à vue d’œil, et auquel vient s’ajouter, ce mercredi, la publication d’une nouvelle étude menée par l’association Générations Futures, qui pointe du doigt 146 industriels français soupçonnés d’être à l’origine de la majeure partie des rejets de polluants éternels dans la nature. Quels sont les motifs de la plainte ? Dans le document remis au procureur de la République et que 20 Minutes a pu consulter, sont évoqués les délits de « pollution des eaux », « pollution des sols par abandon de déchets », de « dégradation substantielle à l’environnement » et de « mise en danger de l’environnement ». Des motifs logiques selon Marlène Joubier, avocate d’Eau de Paris : « si on retrouve ces molécules de synthèse dans l’environnement, c’est qu’à un moment donné, elles n’ont pas été gérées conformément à la réglementation, et elles résultent nécessairement d’actions infractionnelles. Que ça soit intentionnel ou non ». Par ailleurs, au-delà du non-respect du Code de l’environnement évoqué par l’avocate, la présence de polluants éternels, même en dessous des seuils réglementaires, dans les eaux brutes, c’est-à-dire avant décontamination, nécessite, selon la Ville de Paris, « un renforcement des traitements et une surveillance accrue ». Et donc un surcoût estimé en 2024 à 2 millions d’euros, payé à l’aide de la redevance versée par… les Parisiens ! « Notre but est donc aussi de faire payer ce surcoût aux responsables des rejets et non aux particuliers qui, eux, n’y sont pour rien », précise l’avocate. Pourquoi la plainte a-t-elle été déposée maintenant ? « En anticipation », assure Marlène Joubier. Car, le 16 décembre 2020, une directive européenne a été votée, imposant un élargissement des contrôles actuels de certains pesticides dans les eaux, à celui de 20 PFAS jugés nocifs par Bruxelles. Ceux-là même retrouvés dans l’eau potable de plus de la moitié des communes de France, dont Paris, d’après une étude publiée en janvier dernier par l’association Génération Futures et l’UFC-Que Choisir. Une directive qui doit être, dès le 1er janvier 2026, systématiquement appliquée partout en France. Quelle chance cette plainte a-t-elle d’aboutir ? En portant plainte contre X, le distributeur d’eau de la Ville de Paris s’attaque en réalité à ceux qu’il juge responsables des rejets polluants qui finissent par atterrir dans l’eau potable : les industriels. Comme l’usine BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, au sud de Rouen, ou encore Solvay de Salindres, dans le Gard, toutes deux cités dans l’étude de Générations Futures. Mais l’origine précise de la pollution de l’eau potable parisienne étant impossible, à l’heure actuelle, à identifier, « il était difficile de viser, dans la plainte, une entreprise en particulier. D’autant que les causes de ces rejets peuvent être multifactoriels : cela peut être la faute de plusieurs acteurs, en raison de plusieurs usages, à plusieurs endroits différents », explique Marlène Joubier. Le but, in fine, est surtout de « permettre l’ouverture d’une enquête pour, ensuite, réussir à stopper à la source le déversement de ces polluants », conclu l’avocate. Une décision que seul le parquet de Paris est habilité à prendre. Enquête qui pourrait durer plusieurs années. On vous réexplique toute l’affaire dans la vidéo placée tout en haut de cet article (rechargez la page pour la voir depuis le début).