Accompagnement à la parentalité, contrôle des assistants familiaux, création d’un registre national de la mortalité infantile… La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a esquissé quelques mesures en faveur de la protection de l’enfance dans Libération, à la veille de la remise du rapport de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, dirigée par la socialiste isabelle Santiago. Son cabinet a ensuite explicité quelques-unes de ces mesures, à travers un brief organisé pour la presse. Voici les grandes lignes de ces annonces. Rendre plus attractif le métier d’assistant familial Pour les enfants victimes de violence dans leur famille, la situation est catastrophique car le système qui est censé les protéger craque de toutes parts. On sait, depuis un rapport du Syndicat de la magistrature, que 77 % des juges des enfants ont déjà renoncé à prendre des décisions de placement d’enfants en danger dans leur famille en raison d’une absence de place ou de structure adaptée à leur accueil. Et les placements en foyer exposent les enfants à de nouvelles violences, en les mettant en contact avec d’autres enfants victimes d’abus sexuels, qui risquent de reproduire sur d’autres enfants ce qu’ils ont vécu. Selon une étude publiée mercredi par l’Union pour l’enfance, un tiers des enfants placés présentent des « comportements sexuels problématiques ». C’est dans ce contexte que la ministre cherche à privilégier des « solutions familialisées », « dans la famille élargie de l’enfant, chez un assistant familial ou via l’accueil durable et bénévole », explique-t-elle à Libération. L'« objectif est que les enfants vivent le plus possible en famille », détaille son cabinet. La ministre veut ainsi permettre de trouver des relais chez les oncles, tantes ou autres membres de la famille, ou bien faire adopter plus facilement les enfants délaissés, en réexaminant les critères qui permettent d’acter ce délaissement parental. Mais en l’absence de membre de la famille élargie disponible, il faudra trouver un assistant familial capable d’accueillir l’enfant, et pour ce faire, il semble nécessaire de rendre le métier plus attractif, alors que la profession attire de moins en moins de monde. Première solution : permettre aux assistants familiaux d’exercer un autre métier, lorsque les enfants sont scolarisés. Ce n’est actuellement pas possible. Autre piste explorée par la ministre : « Offrir des relais aux assistants familiaux pour leur permettre de souffler. » Mieux contrôler les assistants familiaux Aussi incroyable que cela puisse paraître, le casier judiciaire des assistantes et assistants familiaux n’est aujourd’hui pas systématiquement contrôlé, laissant la voie libre à certains pédocriminels, comme en en Loire-Atlantique, où un de ces professionnels est aujourd’hui soupçonné de viols et d’actes de torture et de barbarie et d’avoir organisé un vaste réseau de pédocriminalité. Depuis septembre 2024, six départements ont mis en place un système d’attestation d’honorabilité lors de l’embauche, qui garantit que la personne employée n’a pas de condamnation l’empêchant de travailler auprès de mineurs, ni d’inscription sur le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais). Ce système a permis de retoquer la candidature de 435 personnes sur 93.000, dont 20 en raison d’une inscription au Fijais. La ministre a décidé d’élargir ce dispositif à 23 nouveaux départements depuis le 31 mars, avant une généralisation complète « d’ici cet automne ». Bilan de santé et suivi médical des enfants placés L’Etat le reconnaît lui-même, dans un arrêté du 22 décembre 2021 : « L’accès aux soins des enfants et adolescents bénéficiant d’une mesure de protection est souvent difficile. » Selon une étude portant sur 100 dossiers de ces enfants, faite par le département de Seine-Saint-Denis, les trois quarts d’entre elles et eux présentent des angoisses, des signes de grande tristesse, de dépression ou des troubles du sommeil. Plus de la moitié a des idées suicidaires. Un tiers se scarifie. La même proportion a fait une, ou plusieurs, tentatives de suicide. Or ces enfants qui sont les plus en souffrance sont aussi celles et ceux qui ont le plus de difficulté d’accéder aux soins. Un bilan de santé obligatoire est prévu à l’entrée dans le dispositif de placement, mais il est insuffisamment fait. La ministre veut aussi créer un parcours de soins coordonnés des enfants protégés pour permettre un suivi médical plus régulier. « Nous allons expérimenter les conditions d’un bilan psychologique et somatique dès la prise en charge de l’enfant, dans deux centres d’appui créés dans les Hauts-de-France et l’Ile-de-France, avec la professeure Céline Gréco, cheffe du service de la douleur et palliative à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris », annonce Catherine Vautrin. Des mesures acceptées, d’autres retoquées Enfin la ministre veut faciliter le mentorat des jeunes placés ou encore leur accès aux stages et aux études pour leur permettre d’éviter de sortir du dispositif sans travail ni plan de carrière. Et mieux les suivre durant leur scolarité. Elle a annoncé également un « plan ciblé » d’accompagnement à la parentalité et des « solutions de répit aux parents solos », sans détailler ces mesures. Pour mieux comprendre la hausse de la mortalité infantile dans le pays, un registre national sera créé. Rien ne figure toutefois dans les annonces sur l’ordonnance de protection de l’enfant, réclamée de longue date par la Commission sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et les associations, ni sur l’imprescriptibilité des crimes sexuels. L’organisme qui lutte contre l’inceste a jugé « déconcertant » cet « arbitrage défavorable du gouvernement sur des mesures essentielles ». La Ciivise, qui souligne qu'« un agresseur d’inceste sur cinq est un cousin », regrette aussi que « le gouvernement s’oppose à ce que les cousins soient reconnus comme des auteurs d’inceste ». « Il y a des propositions pour lesquelles il n’y a pas d’avis défavorable, mais qui nécessitent d’être plus instruites pour pouvoir voir comment y répondre, et d’autres qui se heurtent à des questions juridiques », a répondu son cabinet, citant par exemple l’obligation de signalement des médecins, qui nécessite d’abord de vérifier l’application d’une directive européenne en la matière. La ministre s’abstient aussi de tout chiffrage financier alors que les départements, principaux gestionnaires de l’ASE, sont confrontés à un important manque de moyens en la matière. « Nous sommes dans une situation budgétaire difficile, et je veux prendre des décisions budgétaires concertées avec les départements, principaux financeurs. Nous allons nous réunir dès la fin avril pour en discuter », a promis la ministre.