«L’Elysée n’était pas une forteresse contre le lobbying de Nestlé. » La phrase du sénateur PS Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission d’enquête sur les eaux en bouteille, résonne comme une accusation directe. Selon lui, la présidence de la République a ouvert les portes des ministères à Nestlé Waters alors qu’elle savait que le groupe suisse « trichait depuis plusieurs années » sur les traitements appliqués à ses eaux minérales, notamment Perrier et Hépar. Mardi, lors d’une présentation publique au Sénat, le rapporteur a dévoilé la teneur de 74 pages de documents transmis par l’Elysée, faute de pouvoir auditionner Alexis Kohler. Le secrétaire général de l’Elysée, démissionnaire, a décliné sa convocation au nom de la « séparation des pouvoirs ». Ce refus est jugé « incompréhensible » par le sénateur au vu du contenu des échanges entre la présidence et Nestlé Waters. Plus de 100 personnes entendues Ces documents, qui couvrent une période allant de 2022 à fin 2024, attesteraient d’une intense proximité entre l’Elysée et le géant de l’agroalimentaire. « Les contacts sont fréquents, l’Elysée ouvre les portes de certains ministères au groupe suisse », a affirmé Alexandre Ouizille, précisant que la présidence avait connaissance de contaminations bactériologiques. En quatre mois de travaux, la commission sénatoriale a auditionné près de 100 personnes, dont trois ministres et anciens ministres. Son président, Laurent Burgoa (LR), a dénoncé mardi un manque de transparence systémique, allant jusqu’à concerner certaines administrations et « la représentation nationale elle-même ». Macron nie toute connivence ou entente Parmi les éléments les plus sensibles dévoilés figure une rencontre à l’Elysée le 10 octobre 2024 entre Alexis Kohler, le directeur général de Nestlé Laurent Freixe et la présidente de Nestlé Waters Muriel Lienau. Face à l’ampleur des révélations, la commission sénatoriale entend proposer dans son rapport attendu mi-mai une réforme de l’ordonnance de 1958 pour renforcer les pouvoirs du Parlement, estimant qu’en l’état, la possibilité de sanctions judiciaires reste largement théorique. De son côté, Nestlé Waters continue d’assurer que la sécurité alimentaire de ses produits n’a jamais été compromise et revendique une démarche de transparence, tout en demandant une clarification réglementaire sur les techniques de filtration autorisées. Sollicité mardi, le groupe n’a pas souhaité commenter davantage. Emmanuel Macron avait, en février, nié toute connivence ou entente, affirmant ne pas avoir été informé de l’affaire.