Xanax, Lexomil, Temesta : «3,6 millions de Français en prennent sur des durées trop longues»

Elles squattent les armoires à pharmacie des angoissés, traînent dans les chambres à coucher des insomniaques, quand elles n’accessoirisent pas les soirées festives d’une jeunesse en quête de lâcher prise. Leurs noms commerciaux sont familiers de tous : Xanax, Lexomil, Temesta, Imovan etc. Les benzodiazépines pourraient être cataloguées produits de consommation courante tant leur usage est massif : en 2024, neuf millions de Français y ont eu recours. Et pas qu’un peu. Avec 34 unités dispensées par an et par habitant, l’Hexagone reste le deuxième plus gros consommateur en Europe après l’Espagne (54 comprimés par habitant et par an) mais loin devant le Royaume-Uni ou l’Allemagne (de cinq à sept comprimés par habitant et par an). Malgré un petit recul sur dix ans (-5 %), l’appétence hexagonale pour ces anxiolytiques et hypnotiques reste un enjeu de santé publique. D’autant que le mésusage est légion, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament qui, ce jeudi 10 avril, lance une vaste campagne de communication pour sensibiliser l’opinion et les médecins à la question. Avec un angle d’attaque précis : la nécessité de respecter les recommandations de durée de traitement. «Moins de trois Français sur cinq savent que ces médicaments doivent être pris sur des durées courtes, soit moins de trois mois dans le traitement de l’anxiété et moins de trois semaines dans le traitement de l’insomnie, explique la directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament Catherine Paugam-Burtz. Il nous est apparu que nous avions là une piste d’action pour améliorer le bon usage de cette classe de molécules.» Changer les mauvaises habitudes Si l’ANSM ambitionne «d’acculturer toutes les tranches d’âge» au bon usage des benzodiazépines, elle vise plus particulièrement deux catégories de la population. D’abord les 18-25 ans, dont la consommation, quoique globalement très faible, a augmenté chez les jeunes filles. A leur intention, le gendarme du médicament a concocté plusieurs vidéos vantant des alternatives non médicamenteuses, comme l’activité physique ou le recours au psy, à destination des réseaux sociaux, Instagram et Tik Tok. Mais c’est surtout les plus de 65 ans que veut toucher l’ANSM via des vidéos sur Facebook et des publicités dans la presse quotidienne régionale et dans les dépôts taxis. Pour cause, ils sont les premiers consommateurs de ces molécules, et les plus enclins à prolonger le traitement au-delà des recommandations sanitaires. A lire aussi La France fait-elle partie des plus gros consommateurs de médicaments dans le monde ? Les généralistes, à l’origine de 75 % des prescriptions de benzodiazépine, ne sont pas oubliés : «40 % des patients traités, soit 3,6 millions de personnes, le sont sur des durées trop longues, non conformes aux recommandations, insiste Philippe Vella, directeur de la direction médicale de l’ANSM. Or cet usage prolongé favorise les effets indésirables liés à la prise de ces médicaments.» Lesquels ne sont pas anodins, les benzodiazépines agissant sur le système nerveux central pour réduire l’activité cérébrale. Il en résulte une relaxation intense, voire une sédation, favorisant le sommeil. Mais cet effet recherché peut en déclencher d’autres plus délétères : des troubles de la mémoire, des étourdissements, ou des somnolences, dangereuses en cas de conduite de véhicule. Chez les sujets âgés, les risques sont décuplés : les troubles de l’équilibre et de la coordination liés au traitement sont en effet susceptibles de provoquer des chutes «dont les conséquences peuvent être graves», insiste Philippe Vella.