SimCity 4, le jeu qui survie grâce aux moddeurs

Je suis dans SimCity 2000 depuis sa sortie et depuis, je n’ai jamais lâché. Je joue encore régulièrement et j’adore ça. C’est comme une vieille histoire d’amour qui refuse de s’éteindre… Par contre, c’est vrai que SimCity 4, même si j’en attendais beaucoup, eh bien je n’ai pas accroché à l’époque. Trop complexe, moins intuitif que son prédécesseur… Mais ça vaudrait peut-être le coup que je m’y intéresse à nouveau, parce que c’est quand même sorti il y a 22 ans maintenant et que depuis, le jeu n’a eu de cesse de mûrir. Et pas qu’un peu ! Imaginez pouvoir construire des échangeurs autoroutiers à 5 niveaux ou des métros suspendus que même Cities: Skylines 2 ne peut pas reproduire… Alors, non, pas de développement actif de la part de Maxis, avalé depuis longtemps par EA, mais plutôt par une communauté internationale de moddeurs qui a fait un truc vraiment magnifique ! Ils ont décompilé le code, exploité des fonctionnalités abandonnées, et intégré des DLLs faits maison pour repousser les limites du moteur de jeu. Et le résultat est dingue puisqu’on a un vieux titre qui surpasse aujourd’hui techniquement ses propres successeurs et continue d’évoluer. Sorti en janvier 2003, SimCity 4 aurait dû logiquement reposer au cimetière des jeux oubliés depuis longtemps. Mais voilà, alors que les projecteurs se sont tournés vers Cities: Skylines (sorti en 2015) puis sa suite (sorti en 2023), une communauté d’acharnées s’obstine à maintenir ce dinosaure en vie. Je commence par le Network Addon Mod (NAM), la véritable pierre angulaire de cette renaissance, qui vient tout juste de sortir sa 49ème version en mars 2025. Pendant qu’EA abandonnait la franchise après l’échec de SimCity 2013 (ce SimCity sans numéro que tout le monde veut oublier), des passionnés continuaient de peaufiner un jeu sorti quand l’ADSL était encore une nouveauté. Et ce n’est pas une simple mise à jour cosmétique, car comme vous pouvez le voir dans les vidéos qui trainent sur YouTube, des joueurs construisant des métropoles avec des systèmes de transport complétement dingues ! Echangeurs multi-niveaux, réseaux ferroviaires complexes, canaux, tunnels, ponts… Le tout fonctionnant sur une simulation de trafic entièrement revue qui, selon de nombreux experts, reste plus profonde et réaliste que celle de Cities: Skylines 2. Le plus fascinant dans cette histoire, c’est la façon dont cette communauté a procédé telle des archéologues numériques fouillant dans le code du jeu comme dans des ruines anciennes, à la recherche de trésors cachés. Et ils en ont trouvé des trucs de fous ! Le premier hack majeur remonte aux début du jeu, à savoir, la découverte d’une “route de terre” non utilisée dans le code. Cette route, vestige d’une fonctionnalité abandonnée par les développeurs, a été transformée en ce que la communauté appelle le “Real Highway” (RHW), ouvrant la porte à des autoroutes customisables que le jeu original ne permettait pas. Et ensuite, ça ne s’est plus jamais arrêté ! Paul Pedriana, le programmeur original du jeu, a fini par entendre parler de ces efforts et a même fourni un bout du code source à la communauté. Puis, en 2019, la sortie d’un port 64-bit pour macOS a révélé du code lisible permettant de nouvelles manipulations. L’utilisation des DLLs customs a aussi été une révolution. Pour les non-techniciens, imaginez ça comme des greffes d’organes pour le jeu. Les moddeurs injectent leur propre code dans le corps du jeu, lui permettant de faire des choses pour lesquelles il n’était pas conçu. Par exemple, ils ont complètement réimplanté le système d’eau (buggé dans la version originale) et ajouté une caméra 3D à un jeu initialement limité à une vue isométrique fixe. Cerise sur le gâteau, ils ont corrigé le tristement célèbre “prop pox”, un bug qui corrompait les sauvegardes des grandes villes et faisait fuir les joueurs. EA n’a jamais corrigé ce problème, les moddeurs, si 💪. L’équipe du Network Addon Mod compte environ 25 membres à plein temps plus des contributeurs occasionnels, répartis aux quatre coins du monde et certains sont des professionnels dans leurs domaines, comme Lucario Boricua, un ingénieur civil de Porto Rico qui apporte son expertise réelle à la simulation. Tarkus, le développeur principal du NAM, a rejoint la communauté en 2006 après être tombé sur une version primitive du mod d’autoroutes. Voyant le potentiel inexploité, il a décidé de prendre les choses en main et 19 ans plus tard, il coordonne toujours l’effort de la communauté sur le projet. Ce qui frappe dans cette communauté, c’est sa maturité. Selon les témoignages, les forums et Discord sont exempts des guerres tribales et du “bullshit politique” qui empoisonnent souvent les communautés en ligne. C’est un havre de paix pour les passionnés d’urbanisme virtuel, un espace où l’on peut discuter de modèles de trafic et d’échangeurs d’autoroutes sans drame inutile. Les développeurs actuels disent même avec modestie, qu’ils “se tiennent sur les épaules des géants”, c’est à dire sur les épaules de ceux qui ont posé les bases techniques dans les premières années du jeu. C’est une belle métaphore pour cette accumulation patiente de connaissances qui a permis, couche après couche, de transformer le jeu en quelque chose que ses créateurs n’auraient jamais imaginé possible. Mais alors, pourquoi SimCity 4 continue-t-il d’être développé activement alors que des jeux bien plus récents sont abandonnés ? Et bien une partie de la réponse réside dans la conception même du jeu. SimCity 4 était un titre profond, avec une simulation complexe qui offrait un terrain fertile pour l’expérimentation. Et contrairement à beaucoup de jeux modernes optimisés pour le “eye candy” plutôt que la profondeur, il y avait de la place pour grandir. L’autre facteur aussi, c’est l’ouverture du jeu. Même sans le vouloir explicitement, Maxis a créé un programme relativement facile à modifier. Et les développeurs modernes ont compris cette leçon… Par exemple, Cities: Skylines a été conçu dès le départ pour être moddable, ce qui a aussi grandement contribué à son succès. On voit le même phénomène avec d’autres classiques comme DOOM, qui bénéficie toujours de mods impressionnants deux décennies plus tard. Ces jeux deviennent des plateformes créatives, transcendant leur statut de simple produit commercial et pour nous, joueurs, c’est une excellente nouvelle car ça signifie qu’un jeu peut continuer d’évoluer bien au-delà de sa “date de péremption” officielle. Évidemment tant qu’il existe une communauté passionnée derrière… Maintenant si vous voulez vous lancer dans l’aventure SimCity 4, téléchargez le Network Addon Mod, rejoignez les forums de Simtropolis, et découvrez pourquoi ce jeu refuse, comme moi, de prendre sa retraite !! Voici comment faire : 1. Achetez le jeu : SimCity 4 Deluxe Edition est disponible sur Steam, GOG ou Origin (environ 10 balles en promotion) 2. Installez les correctifs de base : Téléchargez SC4Fix pour corriger les bugs principaux 3. Installez le Network Addon Mod : Rendez-vous sur sc4nam.com et téléchargez la dernière version 4. Créez un compte sur Simtropolis : C’est le hub principal pour télécharger des bâtiments et autres mods 5. Mods recommandés pour débuter : CAM (Colossus Addon Mod) pour améliorer le système de croissance des villes des BSC (Building Style Catalog) pour des bâtiments plus variés et réalistes des HD Terrain mod pour des textures améliorées Je vous le dis, ça vaut le coup d’y jeter à nouveau un œil… C’est vraiment pour ce genre de truc que j’aime l’informatique. La bidouille, les mains dans le cambouis et maintenir en vie des softs qu’on aurait depuis longtemps oubliés si on se reposait uniquement sur son éditeur. Source