Le président du Salvador a transformé un des pays les plus violents en havre sécuritaire, mais à quel prix?

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Atlantic Nayib Bukele, le président du Salvador, a promis de ramener la paix dans son pays. En 2022, il a mis en place un état d'exception pour lutter contre les gangs violents qui rongaient le pays. En moins de trois ans, il a transformé l'un des pays les plus violents d'Amérique latine en une vitrine de sécurité, explique le magazine mensuel américain The Atlantic. Ces mesures radicales lui ont permis d'éradiquer des groupes comme MS-13 et Barrio-18, responsables de dizaines de milliers de morts depuis des décennies. Mais derrière cette politique se cachent des violations graves des droits humains. Loin d'être un remède, l'état d'exception met à mal les libertés individuelles et déstabilise davantage une société déjà fragile. La stratégie de Nayib Bukele, en apparence efficace pour réduire la violence, s'appuie sur une répression brutale. Des témoignages affirment que les policiers sont encouragés à remplir des quotas d'arrestations, ce qui les conduit à arrêter des innocents, sans faire de détail. Le nombre de Salvadoriens innocents emprisonnés est estimé à environ 100.000 –un chiffre que ne conteste pas le gouvernement qui assume et les considère comme des «dommages collatéraux» ou une «marge d'erreur». Abonnez-vous gratuitement à la newsletter de Slate ! Les articles sont sélectionnés pour vous, en fonction de vos centres d’intérêt, tous les jours dans votre boîte mail. Valider Dayana [son prénom a été changé à la demande de la famille, ndlr], une jeune mère célibataire, est une des victimes collatérales de cette politique du chiffre. Arrêtée sans explication, elle a passé six mois dans une prison surpeuplée, dormant à même le sol et évitant de se lever par peur de perdre sa place. Elle décrit des conditions de détention horribles où les femmes incarcérées subissent des traitements inhumains, comme l'obligation de passer des tests de grossesse et celle d'avorter en cas de résultat positif. Lors d'un interrogatoire, un de ses geôliers lui a dit qu'il recevrait une prime pour avoir atteint son quota grâce à son arrestation et qu'elle ne reverrait plus jamais son fils de 4 ans. Son père et son frère ont également été arrêtés sans aucune raison établie. En dépit des erreurs évidentes commises par la police, Nayib Bukele a réussi à maintenir sa politique de «nettoyage» en place. Plus de 90% des Salvadoriens approuvent sa gestion du pays et soutiennent la lutte contre les gangs et ses résultats: le centre historique de la capitale San Salvador, autrefois peu sûr, se transforme en un lieu moderne doté d'infrastructures comme une patinoire en plein air et une bibliothèque. Un pays «plus sûr que la France» La répression par l'État ne se limite plus aujourd'hui aux seules activités des gangs. Les vendeurs de rue –environ 20.000 personnes– ont également été ciblés et délogés, certains envoyés eux aussi dans des prisons surpeuplées, révélant une autre facette de l'autoritarisme du président salvadorien. Une gestion brutale qui ne fait visiblement pas de distinction entre le crime et la pauvreté. Daniel Monterrosa, un surfeur rencontré par la journaliste de The Atlantic, fait partie des nombreux Salvadoriens à soutenir le président, estimant que les réformes ont permis de rétablir la sécurité, offrant des opportunités économiques et contribuant à l'essor du tourisme. Interrogé sur les excès des forces de l'ordre, Monterrosa répond que «Bukele ne peut pas être blâmé pour ce que la police a fait de mal». Donald Trump regarde de près ce qui se passe au Salvador et considère depuis peu que le pays est un des plus sûrs du monde, dépassant même la France. Son administration a d'ailleurs commencé à expulser des ressortissants salvadoriens. Les choix de Nayib Bukele ont effectivement apaisé le pays déchiré par la criminalité… mais à quel prix? Remplacer la violence des gangs par la violence étatique ne peut être la solution. Pour le président, la fin justifie les moyens, même si des innocents en paient le prix fort. Selon Amnesty International, des centaines de personnes sont mortes en détention à la suite de «coups, de torture et d'un manque de soins médicaux appropriés».