Pressé par le temps, vous avez opté pour la caisse automatique au supermarché. Chaque seconde compte, et vous n’allez pas en perdre à voir vos courses scannées par un être humain - forcément faillible - là où la robotique est censée performer H24. Mais ça, c’était sans compter les aléas de la vie et de la technologie. Voilà qu’à cause d’un rouleau de PQ mal scanné, sans que vous ne sachiez vraiment où réside la faute, vous voilà obligé d’attendre qu’un caissier - oui, le même que vous avez évité - vienne déverrouiller la pauvre machine infirme. Rassurant pour l’avenir de l’humanité - vu leur efficacité, ce n’est pas demain que les robots nous exterminerons –, mais un peu désespérant. Mais alors, pourquoi les caisses automatiques buguent-elles aussi souvent ? Les directions de Casino et de Leclerc ayant refusé de nous répondre, nous avons mené l’enquête auprès des premiers concernés : les employés. Et ils ont plusieurs pistes d’explication. Le consommateur est-il le vrai coupable ? Premier responsable, le client lui-même. « Parce que c’est une caisse automatique, le consommateur se presse et scanne souvent très - trop - vite et mal les articles, les jette un peu n’importe comment, ne prend pas bien le temps de montrer le code-barres… Forcément, la machine a du mal », plaide Franck*, caissier dans un Carrefour. « Combien de fois un client m’appelle parce qu’un code-barres ne marche pas, et en le repassant juste calmement devant la caisse automatique, tout fonctionne très bien ? », se désespère Sophie*, qui travaille, elle, dans un Intermarché. Il faut également distinguer deux types de caisses automatiques. Celle avec un contrôle de poids (la caisse va scanner l’article et vérifier ensuite sur une balance qu’il a été bien déposé), et celle sans. La première « connaît beaucoup plus de bugs, à cause de clients - là encore - trop pressés qui jettent n’importe comment leurs achats, voire oublient de les déposer », poursuit Franck. Dans le second cas, la machine « bugue moins », atteste-t-il. Mais il y a un mais. L’alcool nécessite la reconnaissance d’un caissier, pour vérifier que l’acheteur est majeur, et la vérification est exigée sur de plus en plus de produits. « Dans notre magasin, les achats en vrac doivent être contrôlés, car beaucoup de clients prenaient par exemple des amandes dans des sacs en les faisant payer en flocons d’avoine, bien moins cher », poursuit-il. Et plus on a de produits susceptibles de nécessiter une intervention humaine, plus il y a de chance que la machine lâche l’affaire. Et si les machines buguaient volontairement ? Dernier point : les bugs seraient, de l’avis des caissiers, pas si pire aux yeux de la direction. Car une machine qui cale permet de faire intervenir un employé, lequel peut vérifier le nombre d’achats et s’il y a une tentative de vol. Certains pensent même que certains dysfonctionnements sont voulus. Sophie développe cette théorie : « La machine va buguer aléatoirement après un certain nombre de clients, afin de vérifier au hasard les courses ». Un phénomène qui sert également de dissuasion, selon elle : « Si le client pense qu’il y a une chance sur trois que la machine bugue et qu’un caissier vienne vérifier, il va être moins tenté de voler ». « Quand on voit le nombre de caisses automatiques déployées et le peu de maintenance qu’on leur accorde, c’est normal qu’il y ait quelques couacs. Les pièces les plus défectueuses sont rarement bien remplacées », soupire Franck. Et vous voulez savoir le vrai secret ? En réalité, les caisses automatiques ne buggent pas tant que ça, selon Sophie, qui plaide pour un « syndrome SNCF » : l’écrasante majorité des trains sont à l’heure, mais on ne retient que les retards. « Quand on voit le nombre de passages et de clients chaque jour, les performances ne sont pas si mal ». La machine n’est pas infaillible, mais l’humain lui, reste un sacré ronchon. * Les prénoms ont été modifiés