Donald Trump a déclaré le gang Tren de Aragua « organisation terroriste ». Pour accélérer les expulsions, son administration a recours à des méthodes très discutables. ÉTATS-UNIS - Une horloge, un train, une étoile, une couronne… Aux États-Unis, ces motifs de tatouage peuvent condamner à un aller simple vers le Salvador, en raison de suspicions d’appartenance au gang vénézuélien Tren de Aragua que l’administration américaine a déclaré organisation « terroriste ». C’est ce qu’il s’est passé pour certains des 238 Vénézuéliens expulsés mi-mars, dont le sort a engagé un bras de fer avec les tribunaux. Parmi ces déportés se trouve Andry Hernandez Romero. Ce styliste et maquilleur a quitté le Venezuela en mai 2024 et demandé l’asile aux États-Unis en raison de son orientation sexuelle et de ses opinions politiques, a affirmé son avocate Lindsay Toczylowski à plusieurs médias. En mars, alors qu’il devait apparaître au tribunal pour l’examen de sa demande, il n’est jamais venu. Il avait été arrêté et expulsé vers le Salvador. Direction : la prison de haute sécurité CECOT. Le photographe du Time Philip Holsinger était à l’aéroport et a été témoin de son arrivée au Salvador. Invité dans l’émission 60 Minutes début avril, il a livré un récit glaçant. « J’ai suivi ce jeune garçon depuis sa sortie du bus. Il hurlait “je suis gay”, il disait qu’il était innocent, il était giflé à chaque fois qu’il parlait », raconte le photojournaliste dans la vidéo ci-dessous (en anglais). « Puis il a commencé à prier, à pleurer, à appeler sa mère. Ça m’a vraiment touché », poursuit-il, alors que des photos d’Andry Hernandez Romero en train d’être rasé apparaissent à l’écran. La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous. Pourquoi Andry Hernandez Romero a-t-il été arrêté ? Son avocate assure qu’il n’avait pas de casier aux États-Unis, ni au Venezuela. Des documents judiciaires consultés par The Guardian expliquent en fait que « le prisonnier Hernandez porte des tatouages “couronnes” qui sont typiques des membres appartenant à Tren de Aragua ». Andry Hernandez Romero s’est effectivement fait tatouer une couronne sur chaque poignet, chacune étant surmonté des mots « maman » et « papa » comme le prouvent des photos publiées dans les médias. Mais rien à voir avec l’appartenance à un gang : ses proches expliquent que c’est une référence au festival des « trois rois » qui se tient chaque année au Venezuela, et auquel il participait et était très attaché. La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous. Contactée par CBS, une porte-parole du département américain de la sécurité intérieure (équivalent du ministère de l’Intérieur) a affirmé que l’arrestation du jeune homme allait « bien au-delà que simplement des tatouages d’affiliation », citant le contenu publié sur ses réseaux sociaux. La chaîne a vérifié : les posts d’Andry Hernandez Romero sur ses dix dernières années montrent des photos de lui avec des brosses de maquillage et des couronnes serties de grosses pierres brillantes. Ces clichés ont aussi été partagés sur son compte Facebook que Le HuffPost a retrouvé, et où se trouvent également des photos de lui en pleine session maquillage ou coiffure. Le cas d’Andry Hernandez Romero n’est pas isolé ; des dizaines ont été relayées par la presse. Comme Franco José Caraballo Tiapa dont l’histoire est racontée par le Guardian et qui aurait été arrêté en raison d’un dessin représentant une montre de poche avec l’heure de la naissance de sa fille. Ou Neri Alvarado Borges, comme le rapporte MotherJones, qui aurait été expulsé en raison d’un tatouage représentant le ruban de sensibilisation à l’autisme en hommage à son petit frère. « Vous êtes ici à cause de vos tatouages (...). On trouve et interroge tous ceux qui ont des tatouages », aurait dit un agent de l’immigration à Neri Alvarado Borges, a rapporté un témoin au magazine. Si l’identification par les tatouages n’est pas nouvelle et que les dessins peuvent être utilisés comme un élément de preuve – parmi d’autres –, l’administration américaine a largement durci sa politique sous Donald Trump. Comme l’explique le New York Times dans un article paru jeudi 17 avril, un nouveau document appelé « Alien Enemy Validation Guide » (guide de validation des ennemis étrangers) est désormais utilisé pour identifier les membres de Tren de Aragua (TdA). Vous pouvez le consulter ici page 7 (en anglais). Selon ce questionnaire, une personne qui a « des tatouages indiquant une appartenance/une loyauté à TdA » reçoit 4 points. « Des insignes, logos, notes, dessins, vêtements qui montrent une allégeance à TdA » coûtent aussi 4 points. Un total de 8 points ou plus condamne le suspect à être déporté sans passer par le tribunal, comme le veut la loi de 1798 invoquée par Trump pour accélérer les expulsions. Simple, pas forcément efficace, et surtout très problématique. Le département de la Sécurité intérieure a aussi publié des exemples de tatouages qui devraient donner l’alerte, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Or, cinq experts interrogés par le New York Times ont expliqué que si le port de tatouage peut effectivement montrer l’appartenance à un gang, comme avec le MS-13, le fonctionnement de Tren de Aragua dont l’implantation est récente aux États-Unis est très différent. « Il est possible que certains membres du gang aient cette distinction. Mais il est aussi possible que quelqu’un qui a ce tatouage ne soit pas dans ce gang », pointe le professeur de droit Bill O. Hing auprès du quotidien. L’inquiétude est d’autant plus vive que les motifs incriminés sont en fait des dessins très populaires chez les Vénézuéliens, en particulier les jeunes des quartiers pauvres où le hip-hop et le basket font partie de la culture et de l’esthétique, ont souligné les spécialistes toujours au New York Times. L’identification par les tatouages montre en fait le manque d’information des enquêteurs sur ce nouveau gang, et toutes les méthodes sont utilisées pour les débusquer. Même si c’est bidon. L’administration de Donald Trump ne compte pour autant pas reculer, affirmant vouloir « garantir que les terroristes et les criminels immigrés illégaux ne représentent plus une menace pour les Américains ». En attendant, la famille d’Andry Hernandez Romero n’a pas de nouvelle depuis le 14 mars et est très inquiète. Son avocate Lindsay Toczylowski craint même de sa capacité à « survivre » dans la méga-prison salvadorienne. À voir aussi sur Le HuffPost : La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous. plus : Inscrivez-vous aux newsletters du HuffPost et recevez par email les infos les plus importantes et une sélection de nos meilleurs articles En vous inscrivant à ce service, vous acceptez que votre adresse mail soit utilisée par le Huffington Post, responsable de traitement, pour la gestion de votre inscription à la newsletter. Conformément à la loi du 06/01/1978 modifiée et au Règlement européen n°2016/679/UE du 27/04/2016, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de modification, de portabilité, de suppression et d’opposition au traitement des informations vous concernant, que vous pouvez exercer auprès de dpo@groupelemonde.fr. Pour toute information complémentaire ou réclamation: CNIL