Charente : Mais pourquoi le département a-t-il été placé sous tutelle, et que va-t-il lui arriver ?
C’est une décision rarissime pour une collectivité de cette taille. Le département de la Charente, où vivent 350.000 habitants et qui gère un budget annuel de 615 millions d’euros vient d’être placé sous tutelle de la cour régionale des comptes. Une décision qui intervient après un nouvel échec à voter le budget ce mardi 22 avril. Comment expliquer cette situation alors que la santé financière de la collectivité n’est pas en cause ? 20 Minutes vous explique la crise de confiance qui secoue l’institution départementale, qui emploie 2.000 personnes. A travers ce vote, c’est le président Philippe Bouty (divers gauche), à qui l’on reproche une opacité dans sa gestion et un refus de construire collectivement, qui est visé. Un président mis en minorité depuis les législatives Le président Philippe Bouty rappelle dans un communiqué que l’opposition de la droite et du centre a systématiquement voté « contre » tous les budgets primitifs soumis au vote depuis l’alternance de 2021. « Par ailleurs, il retend la main à ses collègues de sensibilité de gauche, et qui se sont mis en retrait, pour à présent opérer collectivement un changement profond de travail, dans le respect des personnes et des sensibilités », peut-on lire dans le communiqué. Six frondeurs, dont la sénatrice Nicole Bonnefoy (PS), se sont mis en retrait depuis plusieurs mois et de façon plus marquée depuis les élections législatives. « Il existe un problème de défiance vis-à-vis de sa méthode et de sa gestion de la collectivité, explique à 20 Minutes la sénatrice. Il se livre à un exercice solitaire du pouvoir ». La goutte d’eau pour ces élus de gauche, ce sont les élections législatives (30 juin et 7 juillet 2024). « Il a soutenu sa compagne comme candidate face à une sortante RN contre l’avis des militants socialistes qui souhaitaient un autre candidat, lequel aurait été en bonne position pour gagner », relève Nicole Bonnefoy. C’est Caroline Colombier (RN) qui est finalement réélue, au grand dam d’une bonne partie des socialistes locaux. Pourquoi un vote-sanction à l’occasion du budget ? « Le budget est le seul instrument à notre disposition pour dire que ça ne peut plus durer », livre Nicole Bonnefoy. Les conseillers départementaux n’ont pas de motion de censure à leur disposition. « La carte financière est la seule arme dans les conflits à l’intérieur d’une assemblée territoriale, confirme Jean Petaux, politologue. Même si le président fait l’objet d’un désaveu à l’occasion d’un vote, ce n’est pas ça qui peut le fait tomber. » S’il est minoritaire, le président ne peut pas faire passer de délibérations. « Mais je rappelle qu’à 85 % celles examinées par le conseil départemental sont " apolitiques " au sens où elles relèvent du fonctionnement technique », pointe le politologue. Reste que sans majorité stable, il ne peut y avoir de projets stratégiques forts sur les trois ans de mandat restants. Une demande claire de démission du président Les frondeurs n’y vont pas par quatre chemins. Une vidéo postée mardi sur Facebook relaie l’intervention de Jérôme Sourisseau, conseiller d’opposition (Modem) dans l’hémicycle départemental. « Votre budget a été rejeté, il ne représente pas ce que veulent les Charentais, explique-t-il. Un rejet du budget implique une démission de l’exécutif. Nous n’avons jamais été dans une logique de blocage mais nous voulons une démission. » Il considère qu’il est encore temps pour le président de présenter cette démission pour que le département, que lui-même a présidé en 2020 et 2021, retrouve « une majorité stable et renouvelée. » « Le problème c’est lui, ce serait bien qu’il ne prenne pas la collectivité en otage », renchérit Nicole Bonnefoy. Alors qu’on lui a prêté l’ambition de briguer la présidence, elle s’en défend. « On veut simplement que ça fonctionne mieux, ajoute-t-elle. Il n’est pas taillé pour ce poste et son entourage non plus. » Philippe Bouty reproche à la sénatrice socialiste de s’aligner sur son opposition en partageant la position de Jérôme Sourisseau. Ce à quoi elle a répondu qu’il était lui-même premier adjoint du maire divers droite de Confolens. Des querelles qui relèvent du « clochemerle » pour Jean Petaux et qui montrent l’importance croissante des dimensions interpersonnelles en politique. Pas sûr que ces dissensions jouent en faveur d’une plus grande participation des citoyens lors des prochaines élections départementales, déjà largement boudées. En attendant la chambre régionale des comptes dispose « d’un délai d’un mois, à réception de toutes les pièces requises, pour présenter un projet de budget primitif 2025. Il appartiendra ensuite au préfet, par arrêté, de régler le budget primitif et de le rendre exécutoire dans un délai de vingt jours », écrit la préfecture dans un communiqué.