Le dollar peut-il perdre son statut ?

Se connecter Par Antoine Alves d'Oliveira Alors que le dollar est en net repli depuis le début de l’année, certains observateurs s’interrogent sur la pérennité de son statut de monnaie de réserve mondiale. Si la réduction de l’exposition aux actifs américains pourrait prolonger ce mouvement de baisse, un changement de statut du dollar nécessiterait une alternative crédible. Il n’y a pas si longtemps, la hausse du dollar était une vue consensuelle sur les marchés et de nombreux investisseurs pariaient sur un retour à la parité de l’eurodollar. C’était en fin d’année dernière, dans le sillage de l’élection de Donald Trump. Mais comme souvent, le consensus a été pris à revers. Ainsi, l’eurodollar a franchi à nouveau le seuil des 1.15 en début de semaine. Une première depuis fin 2021. Comme nous l’expliquions en début de semaine, ce n’est pas seulement le dollar qui baisse ces dernières semaines, mais l’ensemble des actifs américains (actions et obligations). Si on se concentre sur la devise, le dollar Index – le dollar contre un panier de devises de référence - est en baisse de 8.5% depuis le 1er janvier. Ce qu’il y a derrière cette baisse, c’est probablement un mouvement de sortie des actifs américains. Car la politique économique de l’administration Trump risque de peser sur la croissance mondiale, et la croissance américaine en premier lieu. C’est ce que montre les nouvelles prévisions de croissance du FMI, publiées cette semaine. Et au-delà des seuls chiffres de croissance, l’imprévisibilité des Etats-Unis d’une part, et les remises en cause de l’état de droit et donc du cadre d’investissement à long terme d’autre part, entrainent une perte de confiance chez les investisseurs. Mais est-ce problématique pour l’administration Trump ? Si Scott Bessent répète souvent son attachement à la politique du dollar fort, la baisse du dollar est pourtant un objectif de Donald Trump. Cela doit permettre de stimuler les exportations américaines et ainsi redonner un poids plus important au secteur manufacturier. A la Maison Blanche, ce sujet est porté par Stephen Miran, qui dirige le Council of Economic Advisers. Pour lui, la surévaluation chronique du dollar est la cause principale des déséquilibres commerciaux américains. Un dollar surévalué qui est donc un fardeau pour les Etats-Unis, alors que ceux-ci fournissent de la liquidité au monde entier et une protection militaire aux Alliés. Son grand combat c’est donc le "burden sharing" ("le partage du fardeau"). Pour cela, l’idée c’est que les autres pays achètent davantage de produits américains ou financent davantage les Etats-Unis, avec par exemple l’idée d’émettre des obligations perpétuelles à zéro coupons. Tout ceci serait formalisé dans les accords de Mar-a-Lago – du nom de la résidence de Donald Trump en Floride. Un nom qui fait référence aux accords du Plaza en 1985 : la France, le Royaume Uni, le Japon, l’Allemagne et les Etats-Unis s’étaient alors accordés pour faire baisser le dollar. Tout ceci reste pour l’heure théorique. Pour citer une note des équipes d’Edmond de Rothschild, les accords de Mar-a-Lago sont un projet "si peu abouti et tellement out of the box qu’il demeure spéculatif." En effet, le monde a un peu changé depuis 1985 et les avoirs en dollars ne sont plus seulement concentrés dans les quelques pays qui avaient signé les Accords du Plaza. Enfin, il faut ici rappeler les implications d’une baisse de la devise. D’une part, cela renforce la compétitivité des produits américains à l’export. Mais cela renchérit le cout des importations, ce qui est susceptible de relancer l’inflation. L’autre point important à mentionner, c’est que la baisse de la devise est en principe positive pour les conditions financières et donc pour la croissance. Mais si c’est le reflet d’une sortie importante des actifs américains, la hausse des rendements obligataires viendrait annuler l’effet positif sur les conditions financières. Il faut bien distinguer deux sujets : la baisse du dollar et la perte de statut du dollar. Si les investisseurs continuent à réduire leurs expositions aux actifs américains, le dollar peut continuer sa baisse. En effet, les marchés américains ont attiré les flux pendant des décennies. Selon les données les plus récentes publiées par le Département du Trésor des États-Unis, la valeur des actifs américains détenus par les non-résidents dépasse les 31 000 milliards de dollars. Le dollar peut donc poursuivre sa baisse. Mais pour qu’il perde son statut de monnaie de référence, il faudrait qu’il y ait une alternative. Or, nous n’en voyons pas vraiment. Les deux autres grandes zones économiques sont l’Europe et la Chine. Le yuan est une devise sous contrôle des autorités chinoises, pour ne pas dire manipulée. Du côté de l’euro, les marchés de dette manquent de profondeur et la zone euro n’est pas encore pleinement intégrée. Pour l’heure, le dollar est incontestablement la devise de référence. Pour donner quelques chiffres qui illustrent ce rôle prépondérant, le dollar est actuellement utilisé dans 88% des échanges et 59% des réserves de change des banques centrales. Et les Etats-Unis ont les marchés financiers les plus structurés, les plus profonds et les plus liquides au monde. La conclusion, c’est donc que même si les Etats-Unis font actuellement n’importe quoi, le dollar ne perdra pas son statut de sitôt. Car lorsqu’on prend en compte à la fois l’équation politique, et la profondeur et la liquidité des marchés de capitaux, il n’y a pas vraiment d’alternative au dollar. Une bonne partie de l’épargne mondiale continuera donc à se placer aux Etats-Unis. 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