[Clin d’œil] Les tauliers se rebiffent
Les grands patrons donnent de la voix. De Bernard Arnault (LVMH) à Patrick Pouyanné (Total) en passant par Luc Rémont (Edf) ou Olivier Andriès (Safran) qui est en pétard contre les écologistes rennais, quelques ténors de l’économie française sont sortis de leur réserve habituelle. Ils n’hésitent plus à taper du poing sur la table à l’heure où Trump leur joue du violon, où l’Europe leur met parfois des bâtons dans les roues tout en laissant entrer quotidiennement des millions de colis chinois, sans la moindre taxe, et où des voix suggèrent de combler nos déficits à coups de charges nouvelles sur les entreprises déjà les plus taxées d’Europe. Il est vrai que le contraste est aujourd’hui saisissant entre Taxman qui leur ouvre les bras et les réticences d’un Hexagone qui ne les aime pas beaucoup. Avec quelques épisodes cinglants, telle cette fameuse une du journal Libération consacrée à Arnault avec ce titre ravageur : « Casse-toi, riche con ! ». C’est une évidence : les patrons n’ont pas la cote dans notre pays. Les rares sondages sur la question le confirment. Dans une enquête d’opinion pour l’Express, ils étaient jugés plus méprisants que compétents, même quand on ne les connaît pas, parce qu’ils appartiennent à une catégorie déconsidérée en France : les patrons. Et à entendre certains syndicalistes radicaux, le patron, c’est le malfaisant. Le parasite. Le frelon asiatique. Pourtant, à l’origine, ce mot vient du latin pater (père), référence plutôt protectrice mais qui a donné le paternalisme, longtemps reproché aux patrons tant il signifiait d’autoritarisme et de toute puissance. C’est bien moins le cas aujourd’hui mais le terme est resté. Et il sonne parfois fâcheusement, avec une circonstance aggravante chez nous : nos grands patrons les plus connus (Arnault, Bettencourt, Pinault…) dirigent l’industrie du luxe. Un gros mot, là aussi. Patron et luxe, c’est la double peine. À la notable exception de Bolloré qui, lui, n’est pas dans le luxe mais s’est engagé dans un cheminement idéologique si contraire à la pensée dominante qu’il en prend doublement pour son grade, lui aussi. « Trump fait tout pour les attirer, la France et l’Europe pas toujours ce qu’il faut pour les retenir. Les grands patrons râlent. » Du reste, le qualificatif de patron, c’est un peu comme celui de politicien qui, à l’origine, désignait ceux qui exercent une action politique. Mais au fil du temps il est devenu péjoratif et proche de politicard. « Patron », lui aussi, est un terme dévalué chez nous. Les patrons eux-mêmes en sont convenus quand, en 1998, ils ont changé le titre de leur confédération. Le Conseil national du patronat français (CNPF) est devenu l’actuel Medef (Mouvement des entreprises de France) abandonnant ainsi le mot patronat, après avoir subi un échec en rase campagne en ne réussissant pas à convaincre Jospin que les 35 heures allaient être une catastrophe pour les entreprises exportatrices, en flinguant leur compétitivité. C’est bien ce qui est advenu. Peu après, notre balance commerciale a fait le plongeon et n’est jamais remontée à la surface. Newsletters La Matinale Tous les matins à 8h, l’essentiel de l’actualité Adresse e-mail Nos autres newsletters