François Bayrou ignorait-il vraiment tout de l’affaire de Bétharram ? Une interview de la fille du Premier ministre, Hélène Perlant, dans l’émission A l’air libre de Mediapart jeudi 24 avril laisse une nouvelle fois penser que non. En compagnie d’Alain Esquerre, fondateur du collectif des victimes de l’établissement catholique et coauteur du livre le Silence de Bétharram (Michel Lafon), elle assure que son père avait en 1998 bien échangé avec le juge d’instruction Christian Mirande, alors chargé de l’enquête sur le directeur de l’école, le père Carricart. «Je peux vous confier quelque chose ?» lance sur le plateau l’ancienne élève de l’établissement, qui a récemment révélé avoir elle aussi été victime de violences physiques à 14 ans. «Il ne s’en souvient pas, je pense, mais je suis là, le soir où il rentre de chez le juge Mirande. On est là, tous seuls, tous les deux.» François Bayrou lui aurait alors demandé : «Ne le répète surtout pas, j’ai juré d’être dans le secret de l’instruction. Est-ce que tu crois possible ça [les accusations de violences sexuelles qui visaient le prêtre, ndlr] ?» Cette année-là, le père Carricart avait été mis en examen pour viol et tentative de viol sur mineur. Hélène Perlant raconte que son père lui aurait alors annoncé le placement en détention du prêtre. «Il est en prison, qu’il y reste», rapporte-t-elle encore. Le chef d’établissement se suicidera deux ans plus tard, en 2000, laissant derrière lui une lettre clamant son innocence. «Le suicide a été pour tout le monde une horreur», se rappelle-t-elle. «C’est incroyable, c’est incroyable» Comme le souligne le Monde, l’actuel Premier ministre avait déjà en mars 2024 nié avoir rencontré le juge Mirande, qui est pourtant son voisin. Une position qu’il avait maintenue près d’un an plus tard devant l’Assemblée nationale tout en précisant ne jamais être intervenu, «ni de près ni de loin», auprès des enquêteurs. Ce n’est qu’en février que François Bayrou a reconnu avoir eu un échange avec le magistrat. Une brève conversation d’après lui qui se serait tenue au détour d’une rencontre fortuite. Le juge Christian Mirande, lui, a présenté une autre version de l’histoire. Auprès de la commission d’enquête parlementaire sur les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, il a rapporté que le chef du gouvernement lui avait volontairement rendu visite à son domicile. «Lorsqu’il est venu me voir, il me semble qu’il cherchait à se renseigner sur les faits en cours, a-t-il déclaré. Il exprimait alors une vive inquiétude, notamment au sujet de son fils qui était élève à Bétharram.» La discussion aurait selon lui duré «plusieurs heures» mais n’aurait pas trahi le secret de l’instruction, n’abordant que des éléments déjà parus dans la presse à l’époque. «Ce qui m’a marqué, c’est qu’il n’arrivait pas à croire à la réalité des faits, a-t-il ajouté. Je me souviens très précisément qu’il répétait à plusieurs reprises : «C’est incroyable, c’est incroyable».» «Déni collectif» Sur le plateau de Mediapart, Hélène Perlant assure que son père aurait «juré au juge Mirande de ne pas trahir le secret de l’instruction». Elle refuse de l’accabler, rappelant le «déni collectif» de l’époque sur les actes perpétrés au sein de l’école et assure par ailleurs que le Premier ministre n’a «jamais voulu couvrir» l’affaire.