Un appel à voter comme si la facture de l’épicerie en dépendait

Pierre Poilievre a effectué un dernier saut de puce chez lui, près d’Ottawa, après avoir été la vedette d’un tout dernier grand rassemblement de sa tournée nationale, lors duquel il a imploré les électeurs de voter avec leur portefeuille. « Le temps file, il ne reste plus qu’une journée pour amener du changement afin que les Canadiens puissent se permettre de la nourriture, et des maisons, et vivre dans une rue sécuritaire », a répété une énième fois le chef conservateur dimanche matin, lors de son dernier bain de foule d’envergure, organisé en banlieue de Toronto. Pour une dernière fois, le politicien a embrassé sa conjointe devant des milliers d’électeurs qui demandaient de ramener le changement à la maison (« Bring it home »). Il a levé la main pour saluer le public conquis d’Oakville, et a serré quelques mains avant de prendre la route qui devait le mener en soirée vers sa propre circonscription. Nick Rogerson, un sympathisant de 42 ans, l’attendait déjà quatre heures avant le début de son discours sur le terrain d’une cabane à sucre dans le sud rural d’Ottawa, à une demi-heure de route de sa résidence officielle. « Je ne veux pas rejeter les sondages du revers de la main, mais c’est contraire à ce que je vois. Regardez ses rassemblements ! Ce n’est pas que des chiffres, c’est aussi le niveau d’enthousiasme », explique l’homme venu de la Nouvelle-Écosse pour suivre la fin de campagne de son politicien favori, dont il a déjà suivi plusieurs autres discours. Électeur du Parti libéral lors des trois dernières élections, il porte maintenant un coupe-vent aux couleurs conservatrices flanqué d’un slogan « Pierre Poilievre – Gros bon sens », séduit par le parcours et le programme du chef conservateur. Certains de la victoire Le village de Metcalfe, fusionné à un secteur rural à la ville d’Ottawa, ne compte aucune épicerie d’une grande enseigne, mais dispose d’un aréna de curling. Peu importe ce que disent les sondages, ou les nouvelles voulant que la campagne conservatrice a ajouté des effectifs pour conserver la circonscription du chef, Carleton : les sympathisants conservateurs qui s’y sont rendus à la veille du scrutin sont plutôt prêts à parier sur une victoire éclatante lundi. « Les seuls qui répondent au téléphone [aux sondeurs] sont les électeurs libéraux. Les retraités, ceux dont la maison est payée. Tout le monde que je connais vote pour Pierre », avance Dustin Paul, 30 ans, un électeur de la circonscription voisine. Photo: Boris Proulx Le Devoir Il brandit un immense drapeau noir portant le message « Poilievre 2025 — Bring it Home », et prédit aussi « la fin du Canada » en cas d’une défaite conservatrice. Un petit groupe s’est formé autour de lui pour renchérir quant au gaspillage de l’argent destiné à l’aide étrangère. Tous ajoutent de l’eau au moulin du discours voulant que le problème est que le gouvernement profite de l’argent des citoyens. Campagne de foules Pierre Poilievre a essentiellement gardé le même scénario, ou à peu près, tout au long de la campagne, devant des foules parfois très grandes. Le 7 avril à Edmonton, sa campagne s’est vantée d’avoir attiré 15 000 personnes, même si CBC News n’est arrivée qu’à compter 1558 individus. Il demeure qu’aucun parti ne peut se vanter d’avoir réussi à faire déplacer autant de sympathisants que les conservateurs lors de cette campagne. La performance est répétée presque quotidiennement avec la régularité d’une horloge suisse. D’abord, des candidats locaux haranguent la foule. Anaida Poilievre, la conjointe du chef, est invitée à monter sur scène, souvent présentée aussi comme fondatrice du magazine Pretty&Smart Co. (Compagnie Belle et intelligente). Après un baiser, M. Poilievre se lance sans téléprompteur ni notes pour une trentaine de minutes. Il récite les points principaux de son programme avec énergie et sourire. Il juxtapose avec rythme la tristesse de constater l’état lamentable du Canada après une décennie des libéraux, puis l’euphorie de l’espoir d’un pays où le poids des impôts disparaît. « Vous allez garder votre argent, pour faire changement ! » a-t-il fait miroiter à la foule enthousiaste d’Oakville, dimanche. À une mère qui a perdu sa fille d’une surdose, il a répondu d’un air grave qu’il était désolé. Il lui a promis rien de moins que de « redresser [le problème de] la dépendance ». Pour arrêter de « taxer au max » et faire adopter son « plan des 100 jours pour faire changement », il a demandé à ses militants de fournir un dernier effort pour convaincre leurs amis d’aller voter lundi. Il n’a pas mentionné les sondages.